les mémoires et que les intérêts mêlés des belligérants ne s’étaient pas de nouveau dissociés en égoïsmes nationaux, la Société des Nations, après quelques années seulement d’existence, a dû rabattre de ses prétentions initiales. Les générations qui montent s’étonneront qu’il y ait eu des hommes pour croire à la pérennité de leur codification de la paix. Si elles parviennent à se représenter, par l’imagination, la catastrophe d’où sortit la volonté de témoins tant éprouvés, peut-être s’expliqueront-elles qu’un sentiment d’humanité aussi digne et touchant que simple ait suffi à faire naître leur généreuse utopie[1].
Lorsqu’on essaie d’aller au fond de ce sentiment qui inspira les législateurs de la paix, on distingue cette mystique dont on a tant parlé depuis la guerre. On a fait du mot un usage abusif ; mais le mot, pour nous, n’est rien : nous voulons savoir ce qu’il recouvre.
Notre temps, en élevant « la raison » sur un piédestal, en a fait une sorte de perfection abstraite, au lieu de la laisser naturellement présider à l’activité
- ↑ Aujourd’hui, la S. D. N. se flatte d’être devenue, et pour cause, plus modeste et plus positive. Mais qui nierait qu’au début elle n’eût pas mérité de s’entendre dire ce que le ministre de Louis XV, le cardinal Fleury, écrivait à l’abbé de Saint-Pierre en 1740 : « Vous avez oublié, Monsieur, un article préliminaire pour base aux cinq que vous proposez : c’est de commencer, avant de les mettre en pratique, par envoyer une troupe de missionnaires pour y préparer l’esprit et le cœur des princes contractants, et vous confirmant la dignité d’apothicaire de l’Europe, de préparer des potions calmantes et adoucissantes pour tenir les humeurs liquides et solides dans un juste équilibre. » Le