Page:Duboscq - Unité de l'Asie.djvu/73

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à dix mille kilomètres contre une race ignorée, dont il n’attendait ni bien ni mal. De toutes parts les jeunes gens s’efforcèrent d’échapper au service militaire, émigrèrent, désertèrent. Les femmes se couchaient en travers des voies ferrées pour essayer d’empêcher les trains de partir[1]. »


Il n’y a pas que de simples vues de l’esprit dans les considérations qui précèdent relatives au sentiment des masses russes pendant la guerre avec le Japon.

Au reste, tout le côté de la politique mondiale qui a trait à la question d’Extrême-Orient a-t-il cessé d’être tenu pour un faisceau d’hypothèses d’une

  1. La révolution russe, par Fernand Grenard, p. 77 (Armand Colin). Il nous paraît intéressant de rapprocher de cette citation le passage suivant d’une lettre adressée de Pétersbourg le 14-15 mars 1904, par la princesse Radziwill au général de Robilant et qu’a publiée la Revue de Paris le 1er janvier 1934 : « Au mois de septembre dernier, il y eut un conseil dans lequel Lamsdorf, Kouropatkine, alors ministre de la guerre, et un autre ont supplié le Tsar d’évacuer la Mandchourie et d’en vendre le chemin de fer, parce que la Mandchourie ne valait pas la peine qu’on la garde, qu’elle n’était pas du tout nécessaire à la Russie et que les risques d’une guerre, auxquels on s’exposerait en voulant la garder, n’étaient pas en proportion des avantages qu’on en tirerait. L’Empereur répondit que pour rien il ne lâcherait la Mandchourie et qu’il n’y aurait pas de guerre parce que lui ne la voulait pas. Les ministres résistèrent et, à trois reprises, ils insistèrent pour l’évacuation jusqu’à ce que l’Empereur se fâcha et leur dit que c’était lui le Tsar et qu’ils n’avaient qu’à obéir. Or, c’était Bézobrazow qui était derrière la résistance impériale. Il s’était lancé dans une grande spéculation pour exploiter les forêts de cèdres sur la frontière de Corée, il y avait entraîné l’Empereur qui y avait mis trois millions de roubles de sa cassette et d’autres sommes au nom de l’Impératrice et il fallait garder ce territoire pour poursuivre l’affaire. »