Page:Duboscq - Unité de l'Asie.djvu/72

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vait pas quelque part en Russie ? Est-ce avancer un paradoxe que de dire que la victoire de l’Asiatique saisit tout autant et de la même manière sinon la population sibérienne, composée en partie de déportés et de colons, de gens aventureux plutôt disposés à critiquer Pétersbourg que de s’attarder à autre chose, du moins le petit peuple passif de la Russie d’Europe ? On oublie trop la géographie et le double visage de la Russie lorsqu’on parle seulement de la tristesse profonde de sa défaite de 1905. En réalité, si l’angoisse étreignait une partie de sa population, une autre partie avait au cœur un sentiment d’où n’était pas exclue une certaine admiration pour le vainqueur. Nous ne parlons pas des libéraux de l’époque qui souhaitaient de tout leur cœur la défaite des armées russes. « Si le tsar triomphait du Japon, c’est le peuple russe qui serait vaincu », proclamait Plekhanof, au congrès d’Amsterdam, en 1904. La guerre fut, en somme, extrêmement impopulaire en Russie. « Impopulaire dans tous le pays dès le premier jour, écrit M. Fernand Grenard, elle le devint davantage à mesure que les défaites se succédèrent. Aucune classe n’y trouvait avantage. Elle lésait les grands intérêts économiques de la nation, paraissait ne servir que les convoitises de quelques aventuriers et spéculateurs isolés, que malheureusement le tsar subventionnait en personne. Le peuple n’en comprenait pas le sens. S’il avait accepté de défendre le sol de la patrie contre l’un et l’autre Napoléon, s’il avait marché pour délivrer les frères chrétiens du joug païen, il répugnait à aller se battre