Page:Duboscq - Unité de l'Asie.djvu/95

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contre la faute si dangereuse et malheureusement si fréquente de juger les étrangers d’après soi.

En tout cas, le désir marqué par le Japon d’une indépendance morale en face de l’Europe et de l’Amérique peut d’autant mieux influencer les Asiatiques et les rapprocher les uns des autres, qu’il repose sur une conception de l’univers physique et moral, généralisée chez ces derniers et créatrice de l’unité dont nous avons parlé. L’idée mystique « d’une solidarité active entre l’homme et le monde » est plus ou moins ancrée dans tous les cerveaux asiatiques ; la chrétienté n’avait pas plus en commun l’idée d’une divinité transcendante et d’un monde surnaturel.

Cependant on a dit que la Russie prendrait mieux que le Japon la direction des masses de l’Asie. Mais la dictature du bolchevisme n’est pas faite pour les Chinois dont la notion de l’ordre exclut toute idée de lois, de dogmes, et d’uniformité ; si beaucoup d’entre eux à présent suivent les Russes, c’est parce que ces derniers prétendent les affranchir des privilèges des puissances et que le soviet répond à leur goût du conseil local, autorité concrète ; ce n’est pas par amour des théories de Moscou. Quant au Russe non bolcheviste, il est à certains égards si rapproché du Chinois que l’on a peine à croire à la possibilité d’une influence dominante de l’un sur l’autre. Jules Cambon n’écrivait-il pas encore qu’« un étrange