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Page:Dubuisson-Aubenay - Itinéraire de Bretagne en 1636, tome 1.djvu/49

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La Teste Bieu, c’est-à-dire Dieu, et non pas bleue, comme aucuns pensent. — L’autre chose curieuse est un bust de bois, de forme gigantale, qui estoit cy devant posé, au dessus des premières fenestres, au dessus de Ja boutique de l’apothicaire Fourreau, au petit coin de cohüe ; sur la moulure des pièces de bois duquel coin il y a escrit :

Ædes oculorum Dei antiquissimæ,
reædificate anno 1581.

Cette statue est d’énorme aspect, et, comme elle est creuse, par dedans on luy fait mouvoir la mâchoire d’en bas et les deux yeux, gros comme boulets de pièce de campagne ; ce que l’on faisoit jadis tandisque la procession de la Feste Dieu passoit par là et s’arrestoit à y encenser. On l’appeloit la Teste Bieu. Elle a esté ostée de là, de peur de scandale, les uns estimans que c’estoit la teste d’un saint, et les autres disans que c’estoit un idole resté des payens. Cela est à présent gardé chez le sr de la Marpaudaye, advocat au Présidial, au-dessus dudit apothicaire. Il n’y a rien de bien fait ni d’ouvrage antique, ains peut estre de 60 ou 80 ans seulement.

Une autre curiosité dans Rhennes, que le prince de Condé y trouvoit, estoit la présidente de Marbeuf, du surnom de Le Fèvre, qui a eu 32 enfans, son mary[1] fort jeune et vert, et elle se portant assez bien, sinon qu’elle avoit une fievre quarte en automne 1636.

Espinay Champeaux[2], — A six lieues de Rhennes est le bourg et paroisse de Champeaux, où il y a une église de la Magdelaine[3], collégiale de six chanoines fondée par Jean d’Espinay vers l’an 1340, et où est sa sépulture et celles de la maison d’Espinay[4], belles et élevées. Tout contre et dans ceste paroice est le chasteau d’Espinay, origine d’une ancienne noblesse de Bretagne dont les sr. de Bron[5] et sa seur portent encor fe nom. Jl est bien basti de pierre solide, sans flancs ni fossés, mais avec l’accompagnement d’un bois, d’un estang et de canaux et prairies, par delà une belle place de jardin. Il a esté par le duc d’Halluyn, héritier de ceste maison de par sa mére, vendu à M. de la Trimoüille seigr baron de Vitré, à 1 lieue prez, par le prix de 110 mille escus. C’est marquisat et cela vaut dix mil livres de rente. Sur la porte de la sale il y a des lyons, et partout le bastiment force chifres d’une M et d’un I, qui sont de Jean d’Espinay[6] et de Marguerite d’Espeaux sa femme, fille unique du mareschal de Vieilleville[7] et héritière de Durtal[8], Ils eurent pour fils le

  1. Claude de Marbœuf, sr. de la Pilletière et de Blaison, président à mortier en 1618.
  2. Champeaux, comm. des cant. et arr. de Vitré.
  3. V. « La collégiale de Champeaux », par M. l’abbé Guillotin de Corson (Mélanges historiques, II, p. 60).
  4. Le marquisat d’Epinay (auj. vill. d’Acigné) fut vendu en 1633, par Charles de Schomberg, duc d’Hallevin, maréchal de France, fils de l’héritière d’Espinay, à Henri duc de la Trémoille, comte de Laval et baron de Vitré, V. Du Paz : « Hist. généal. des srs marquis d’Espinay », où il décrit le chateau de ce nom ; — « Grandes seigt. de Hte Bret. : Epinay, marquisat » (Revue de Bret. et de V. 1894, 2° sem., p. 181).
  5. Broons-sur-Vilaine, comm. du cant. de Chateaubourg, arr. de Vitré, qu’il ne faut pas confondre avec Broons, ch.-l. de cant., arr. de Dinan, C.-du-N.
  6. Jean II, premier marquis d’Espinay, chambellan de Henri II, épousa Marguerite de Scépeaux, et mourut le 9 xeme 1591. Sa veuve mourut le 28 mars 1603, Leur petit-fils, Charles d’Espinay, mourut sans enfant en 1609, et c’est alors que le marquisat passa à son neveu Charles de Schomberg, fils de sa sœur.
  7. François de Scépeaux sr. de Vieilleville, et de Durtat, maréchal de France (1510-1571). Il a laissé des Mémoires. V. du Paz : « Hist. généal. des brs de Matefelon, cne de Durtal — « Portraits et épitaphes de la maison de Mathefelon, tirés d’un vieux ms. sur parchemin, conservé dans la famille de MM. Prévost de la Boutetière-St-Mars », par M. P. Marchegay (Rev. des prov. de l’Ouest, VI, 1858).
  8. Ch. l. de cant., arr. de Beaugé, M.-et-L.