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Page:Dubuisson-Aubenay - Itinéraire de Bretagne en 1636, tome 1.djvu/48

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La plus menue populace sont les artisans de toutes sortes, épars par toute la ville, mais principalement abundants et presque tous en la basse ville, au delà de la rivière et du costé de sa rive gauche. On appelle ces sortes de gens les gars de Rhennes, et sont la plupart yvrongnes et séditieux.

La ville de Rhennes est située un peu en pente, ct pour ce divisée cn aulte et basse ville, que la riviere de Villaine sépare par les ponts de bois de St Germain et de Ja Poissonnerie, et celuy qui est de pierre, entre ces deus, dit le Pont Neuf.

Elle est commandée du costé de St Melaine, et assiégeable de ce costé là facilement, Elle est peu défensable et point flanquée ni remparée que d’un seul ravelin ou demie lune à la porte St Georges, entre la porte et l’abbaye St Melaine, qui est terrassé.

Elloe est peu belle, Le pavé est comme celuy de Vienne en Austriche, fort petit et pointu ; les rues estroites, les maisons s’élargissant par le haut, en sorte qu’en beaucoup de lieux elles se touchent presque l’une l’autre, et à peine le jour entre-t-il dans les rues ; car les seconds estages s’avancent en dehors sur les premiers, les troisiemes sur les deuxiémes, et ainsy tousjours se vont estrécissant. Par dedans elles sont mal ordonnées, les chambres et quartiers mal disposés. En la pluspart des logis il faut passer à travers la sale ou cuisine pour aller à l’escurie ou estable, C’est comme au reste de la Bretagne : les bestiaus passent par mesme passage que les hommes, et peu s’en faut qu’ils ne logent ensemble. Et comme les logis sont partie de pierre ardoisine et principalement de bois, les rats et les souris y sont en plus grand nombre que j’aye jamais veu en aucun autre lieu.

Leur meuble est à l’avenant : leurs licts sont fort courts et fort aults de terre, leurs tables aultes et les sièges d’autour fort bas. Les puces et les punaises n’y manquent pas.

Il y a néanmoins quelques belles maisons en la ville par cy par la, qui sont basties de neuf, comme celle du président de Brye Loisel[1], non loin derrière St Pierre ; une autre devant St Pierre et au coin de la porte Mordelaise, vers la Maison de Ville, apartenant a…,. ; celle du président de Verguigny[2], vis a vis de l’hostelerie de la Harpe ; celle de la Fontaine Belhomme en la Fénerie, Celle de Mr de Brissac, qui est du gouverneur, située au-dessus de la Fénerie, vis à vis du Pot d’Estain, est bien grande et spacieuse, mais vieille et mal en ordre.

Horloge de Rennes. — Un des bastiments et choses curieuses que l’on voye à Rennes, c’est la tour de l’Horloge, où pend une cloche[3] qui est trés grosse et estimée plus que celle de Rouen, — En la légende de la sépulture de l’évesque de Tréhal[4], il est porté qu’il fait faire la grande cloche ; mais il n’y est point dit si c’est celle cy ou une autre de son église. —

Elle est siée par un costé expressément, afin de luy diminuer de la force du son qui pourroit estre trop confus pour distinguer les heures, et ébranleroit le clocher qui est fort délicat. Ils disent que le son faisoit avorter les femmes grosses, tant il étoit épouvantable, J’en ay les mesures ailleurs[5].

  1. Brie est comm. du cant. de Janzé, arr. de Rennes. Le chateau de Brie était aux Loizel ou Loaysel dès le XIVe s. Dubuisson parle sans doute ici de Francois Loaisel, présidt à mortier le 7 mars 1635, De cette famille était aussi Isaac Loaisel, conseillr au Parlt le 11 aout 1596. V. « Grandes seign. de Hte. Bret. : Brie, marquisat » (Revue de Bret. et de V., 1893, 2e semestre, p. 164).
  2. Guy Le Meneust sr de Bréquigny, présidt à mortier, en 1633. V. « Grandes seign. de Hte-Bret. » (Soc. archéolog. d’I.-et-V., XXIII, 1894, p. 112).
  3. Cette cloche fut brisée et fondue dans l’incendie de 1720, V. sur cet événement, Paul de Vollant : « Arrests du Parlement », II, pp. 172 et 173 (Rennes, Garnier, 1722) ; — Ogée : « Dict. de Bret. », 2° édit., II, notes des pp. 495 et suiv. ; — M, de la Borderie : « Annuaire histor. », 1861, p. 211 ; — « Notes et documents concernant la grosse horloge de Rennes, 1468-1745 », par M. Lucien Decambe (Soc. archéol, d’I.-et-V., XIV, 1880).
  4. Raoul de Tréal, év, de Rennes 1363-1383,
  5. Ces mesures ne se trouvent point dans cet itinéraire.