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Page:Dubut de Laforest - Mademoiselle de Marbeuf, 1888.djvu/4

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plus ; je viens de brûler le testament où, à son insu, je donnais à La Bierge toute ma fortune, et je m’en vais au loin, chez les étrangers, traîner et pourrir ma vieille carcasse !... » Alors, très chaste, en inclinant mon front, j’ai murmuré, comme autrefois Marcel : « Embrasse-moi, grand frère ! » il pleurait encore ; je ne pleurais pas, mais je parlai du petit duc, et il m’a sentie vibrer de haine !

Le 15 juin— Brusquement, Mme Juana y Parànos, l’odieuse créature, a emmené en Espagne Gabriel de Sernouze. Raison de la fuite de ces phénomènes : le jeune prince d’Austerlitz cherchait les oreilles de « la petite marquise. »

Le 17 juin_Mariage de Mlle"Juliette de Torcy avec M. le capitaine d’Hervilliers. Itinéraire du voyage de noces : les bords du Rhin. Elles m’amusent, les demoiselles jalouses qui s’en vont attendre les coupables, à la sortie de l’église, et les aspergent de vitriol !

Le 18 juin.— Laure a accouché d’un cadavre. Pauvre petite duchesse ! Le duc ne la voyait que pour lui demander de l’argent ou sa signature ; il en arrivait à la menacer, à l’injurier ; mais si les angoisses de cette douce créature assombrissent mes joies de destruction, je me hâte de dire :à défaut de la cousine, rien n’eût été changé dans les malheureuses destinées de Laure ; le mari vicieux serait fatalement devenu la proie des horizontales, des Sapin ou des Tapeau.

Indignés des façons de leur gendre, M. et Mlle de Château-Renauld se décident à garder leur fille, et l’on cherche un moyen de divorce ; d’un autre côté, la vieille duchesse sollicite, en l’honneur de son fils, un conseil judiciaire. A quoi bon, chère tante ? Mettez vos lunettes, et vous découvrirez le pot aux roses : nouvelles différences à la Bourse et au club — divers emprunts — billets protestés — ruine prochaine, de parla grâce de votre nièce, que vous avez jugée, condamnée, flétrie, ô noble justicière !

Le soir du même jour. — Voyons, Christiane, a soupiré Gontran, est-ce que cela te gênerait beaucoup de me prêter... — Cher, je vis avec ce que tu me donnes, et je n’ose t’offrir des économies qui remontent... à M. de La Bierge — A M. Saturnin Clouard ; tu ne voudrais pas de l’argent du maçon ; je te connais, tu n’en voudrais pas ! « Alors Gontran a crocheté les tiroirs de sa mère ; il a volé une liasse de billets de banque, des obligations au porteur, des bijoux, et il est rentré les poches pleines : «,On ne vole point une mère, on lui prend, n’est-ce pas ? — Évidemment ! » Au milieu des bijoux, et avant l’arrivée d’un juif acquéreur, j’ai prié le cousin de me laisser un souvenir, la broche nuptiale de la duchesse, de la femme qui brûla les portraits de mes morts, et cette broche piétinée, insultée d’un crachat, elle s’en était allée dans la