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Page:Ducharme - Journal d’un exilé politique aux terres australes.djvu/12

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JOURNAL

distance en distance. — Il nous était tellement défendu de causer entre nous que la sentinelle avait ordre de tuer celui qui aurait dit une parole. Dès ce moment les officiers descendaient tous les soirs à huit heures et quart avec des lanternes pour voir si nous étions bien tous à nos places et couchés. Tous les officiers me parurent extrêmement prévenus contre nous et manifestèrent beaucoup de crainte. L’on nous rétrécit beaucoup l’espace dont nous avions jusqu’alors joui sur le pont supérieur durant nos deux heures de récréation. On nous défendit d’aller sur le tillac à l’avenir, nous laissant à peu près vingt cinq pieds de long sur la moitié de la largeur du vaisseau pour nous délasser les jambes. Ils n’avaient pourtant aucun sujet de craindre puisqu’ils étaient aussi nombreux que nous tant soldats que matelots, et tous armés jusqu’au cuisinier qui portait sabre et pistolet, et nous étions toujours sous clef. Par la suite nous apprîmes qu’un nommée Tywell l’un des prisonniers du Haut-Canada avait répandu cette calomnie contre ses compagnons d’infortune, dans l’espoir d’en être récompensé par quelque faveur, ou le recouvrement même de sa liberté. Mais lorsqu’il vint à être connu de l’équipage comme un vil imposteur et un fourbe il n’en fut que plus détesté et maltraité par lui et par nous. Cependant on continua à user de la même sévérité envers nous jusqu’à ce que nous fussions débarqués.

Le 13 et 14, le vent soufflant avec violence nous faisait filer neuf nœux à l’heure et en bonne direction, car nous gouvernions pour doubler le