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D’UN EXILÉ

officiers nous demandèrent si nous craignions ; nous répondîmes que non : quoique plusieurs de nous tremblassent d’effroi. La tempête cessa bientôt.

Le 7 il fit une chaleur excessive. Durant la nuit dernière il soufflait une légère brise. La mer était calme, vers huit heures du matin ; nous passâmes sous la ligne Équinoxiale ; et nous nous trouvâmes dans l’autre hémisphère. Ce jour fut un jour de fête pour notre équipage comme c’est l’ordinaire sur tous les vaisseaux lorsqu’ils font ce passage. Nous cotoyions ainsi les côtes de l’Amérique du Sud. La chaleur était toujours grande. — Nous ne pûmes nous tenir sur le pont pendant nos deux heures de délassement ; car nous n’avions aucune ombre pour nous garantir d’un soleil brûlant. Le brai coulait de tout côté. Nous eûmes de forts orages accompagnés de tonnerre et d’éclairs. La brise n’était que momentanée et le calme plat succédait. Sur le pont du vaisseau se trouvaient des chaloupes où étaient renfermés des porcs et des moutons tout couverts de fumier. — Après les orages où la pluie tombait ordinairement par torrents, il s’amassait souvent jusqu’à huit à dix pouces d’eau dans ces chaloupes. Eh bien, les matelots s’empressaient de remplir des bouteilles de cette eau si imprégnée du fumier qu’elle en était rousse, et nous les vendaient, quelques fois nous donnions une chemise ou un pantalon pour une de ces bouteilles ; et telle était la violence de notre soif que l’eau nous en paraissait comme du miel. — Dans l’entrepont nous nous collions le