Aller au contenu

Page:Ducharme - Journal d’un exilé politique aux terres australes.djvu/23

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
25
D’UN EXILÉ

1er Janvier 1840. Grâce au vent d’Ouest qui nous poussait nous étions déjà bien avancés dans la mer des Indes depuis que nous avions doublé le Cap de Bonne Espérance. Ce fut encore un jour de tristesse pour nous. Que de réflexions ne fait-on pas dans ces moments ! Vos parents, vos amis, vos plaisirs, tout se retrace à votre imagination et vous plonge dans un ennui, une tristesse qu’il faut éprouver pour les comprendre : ce qui ne contribuait pas peu à nous désespérer c’était de songer que tout était perdu pour toujours…

Du 2 au 5 le vent souffla avec moins de violence ; pendant deux jours nous eûmes en vue un bâtiment qui faisait même route que nous.

Le 6 il plut toute la journée. À deux heures P. M. il souffla une bourasque qui nous faisait faire dix milles à l’heure en bonne direction.

Du 7 au 11, le vent fut toujours favorable à l’exception d’une journée. Nous eûmes tous un rhume fatiguant causé par l’humidité, et le froid qui se faisait déjà sentir.

Le 12 fut calme toute la journée. C’était la première journée de calme que nous eussions éprouvée dans la mer des Indes.

Du 13 au 14 le vent fut modéré. J’ai oublié plus haut de marquer que depuis notre embarquement, il nous était distribué, tous les quinze jours du Tabac et des Pipes, dont on nous permettait de faire usage durant nos deux heures de récréation sur le Pont. On nous dit que ce Tabac et ces Pipes avaient été mis à bord par des citoyens de Montréal pour l’usage des Prison-