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Page:Ducharme - Journal d’un exilé politique aux terres australes.djvu/22

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JOURNAL

s’alla loger dans une croisée qui se trouvait derrière nous. La sentinelle en fut quitte pour quelques questions de ses supérieurs…

Du 18 au 27 temps calme. Parmi ces jours derniers nous eûmes à passer le jour de Noël, qui nous causa autant de tristesse et de mélancolie qu’il nous causait de plaisir lorsque nous étions au milieu de nos parents et amis — Nous n’avions pas encore perdu le souvenir de ce beau temps passé.

Le 28 nous arrivâmes en parallelle avec le Cap de Bonne Espérance par un vent d’Ouest qui soufflait avec une force terrible. La mer était tellement agitée le vaisseau si balloté qu’il nous était impossible de rester debout ou assis sans nous cramponner à quelque objet. Jamais nous n’avions vu la mer si furieuse. L’on aurait juré qu’à chaque instant le vaisseau aurait coulé à fond ; les flots le battaient si fort qu’il semblait se heurter contre un rocher, la mer était toute blanche et faisait un mugissement affreux, elle soulevait ses vagues à une hauteur effrayante. Ce vent dura jusqu’au 31 Décembre. Pendant ces derniers jours nous doublâmes le Cap où nous devions arrêter, si le vent l’eut permis. Mais comme l’endroit est de difficile accès, on résolut de passer outre ; pour nous, nous n’en étions pas fâchés ; nous avions tant hâte d’être délivrés des fatigues et de tous les autres inconvénients que nous endurions à bord que nous désirions ardemment d’être dans la terre de notre Exil, pensant qu’il était impossible d’être plus malheureux là qu’à bord.