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D’UN EXILÉ

consistent en une longue pique qu’ils lancent avec une dextérité remarquable. Ils manquent rarement l’Objet qu’ils ont en vue à une distance d’une trentaine de pas. J’en ai vu quelqu’un vous lancer une pique dans le trou de clef d’une serrure placée à vingt cinq pas de lui et répéter ce manège plusieurs fois sans jamais manquer.

Le fait que je vais rapporter est une preuve bien frappante de la préférence de ces sauvages pour leur vie barbare et misérable à une vie civilisée et douce ; et du souverain dégoût qu’ils ont naturellement pour toute teinture de civilisation.

Lorsque le Gouverneur Philipp fut rappelé en Angleterre, il en emmena un avec lui qu’il nomma Bénélong. Il le garda deux ans en Angleterre à vivre dans l’aisance. Il fit surtout les plus grands efforts pour le détourner de ses inclinations barbares, et lui inspirer autant que possible, les principes de la civilisation afin d’en tirer avantage auprès de ses compatriotes. Le sauvage parut bien comprendre ce but ; et promit d’y concourir. Alors après deux ans, le gouverneur le renvoya dans son pays natal rejoindre ses compatriotes, croyant avoir fait là une acquisition importante pour le pays. Mais à la grande surprise de tous, il ne fut pas plutôt débarqué sur la terre natale, qu’il se dépouilla de tous ses bons habits, les rejeta au loin et, s’enfonçant dans l’épaisseur des bois, alla rejoindre sa chère tribu d’où il ne revint plus. On le revit plus tard