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JOURNAL

le 19 vers neuf heures nous fûmes tout à coup, frappés par le cri de terre ! terre !! Nous découvrîmes en effet la terre à bâbord ; c’était Start Point que nous passâmes à une petite distance. Le jour fut bien joyeux pour nous, et tout contribuait à exciter notre joie. Le temps était beau, une brise légère et favorable nous poussait rapidement vers notre destination. Nous eûmes ce jour là pour diner du porc-frais que l’équipage avait fait la veille ; il va sans dire que nous trouvâmes cette nourriture délicieuse, n’ayant goûté à aucune viande fraîche depuis cent trente trois jours, et privés même depuis un mois de lard salé. Nous vîmes beaucoup de vaisseaux allant et venant de tous côtés, et principalement beaucoup de chaloupes qui faisaient le cabotage de la côte d’Angleterre en France. L’une d’elle vint à notre bord nous offrir du poisson. J’en remarquai entr’autres une sorte qu’ils appellent Garnet. Ces poissons étaient rouges de singulière forme, et excellents à manger. Notre capitaine fit marché avec eux pour débarquer la malle. Il lui en couta trente shellings, somme qu’il paya avec du tabac, du bœuf salé, du thé et du rum. Un des passagers de la Cabine débarqua par la même chaloupe.

le 20 nous eûmes un temps superbe quoique couvert. Le vent était frais et favorable. Nous eûmes le plaisir de voir l’Isle Wight qui nous parut être fort élevée, nous vîmes aussi beaucoup de vaisseaux. Une chaloupe vint à notre bord avec un pilote, mais qui n’avait rien à faire avec nous ; vu qu’il n’était pas licencié pour