Page:Duchaussois - Aux glaces polaires, Indiens et Esquimaux, 1921.djvu/127

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dernière chemise, avait-on dit au Père Taché, lorsqu’il partit pour sa première mission. » « Et, en effet, écrit-il » à peine installé parmi ses Indiens, l’un d’eux m’aborde un jour, et me dit :.

« — Donne-moi une chemise.

« Je m’en excusai sur ma pauvreté. Il insista ; puis, cherchant du doigt le collet de ma chemise :

« — En voici une, dit-il, qui est — presque nette, et tu dois en avoir une pour la remplacer quand elle sera sale. Donne-moi donc celle que tu as sur toi. »


Quelque extravagante que soit la demande du sauvage, si le Père n’y fait droit aussitôt, il peut être assuré de devenir le point de mire de tous les quolibets d’avarice, de mesquinerie, que la riche langue indienne pourra inventer. On raisonnera ainsi sur son refus :

« Le Père avait ce que je voulais. Je lui ai dit : « Donne-moi cela. » Il m’a dit : « Non. Je le garde pour l’hiver, afin de pouvoir vous secourir plus tard. » Donc c’est un ladre, le Père. Ah ! il ne nous ressemble pas, nous qui ne gardons jamais rien pour nous ! »[1]

    tantisme. Abondamment pourvu par ses sociétés bibliques, le ministre était là, sur le terrain du prêtre, imitant nos cérémonies liturgiques et appuyant son enseignement sur de copieuses distributions !

    « Si tu pries avec moi, répétait-il à chacun, je te donnerai de la farine, du sucre, du thé, des habits. Viens donc à mon prêche, Tu vois bien que tu n’as rien à attendre du priant français. Sa religion n’est pas la bonne, puisqu’il n’est même pas capable de te venir en aide ! »

    Sur quoi, le missionnaire voyait venir son fidèle :

    « Quand me donneras-tu du thé, des habits, comme le priant anglais ? Ne vois-tu pas que je fais pitié ? »

    Vraiment, n’était-il pas difficile, en pareilles circonstances, de prêcher l’obligation du denier du culte ? Et n’est-ce pas merveille que ces déguenillés, ces grands enfants, pour qui les présents du ministre étaient des trésors, ne soient pas allés à l’erreur séduisante, et qu’ils aient préféré la prière du Français, avec sa pauvreté ?

  1. Il convient de dire que l’éducation des sauvages, de ceux du moins qui habitent les alentours de la mission, commence à se faire. Ils entrevoient leur devoir d’aider le Père. Quelques-uns le font depuis deux ou trois ans. Mais c’est l’histoire du passé que nous écrivons… Une fois rendu dans son camp, le missionnaire sera toujours noblement traité. On l’aidera à consommer ses provisions de voyage, il va de