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AUX GLACES POLAIRES

une orpheline, mise par Mgr Clut sous sa protection, et un métis iroquois, venu autrefois du bas Canada, comme rameur de la Compagnie, et qui avait capté "la confiance des missionnaires. Au confluent de la rivière des Maisons et de la rivière Athabaska, l’Iroquois tua d’un coup de fusil le Frère Alexis, et le dévora en partie. Quelques ossements furent retrouvés là, sous le sable. De l’orpheline, on n’apprit jamais rien. L’Iroquois fut tué, une nuit, par un camp de Cris, qu’il venait voler.

Les missionnaires considèrent le Frère Alexis comme un martyr de la chasteté, à l’exemple de saint Jean-Baptiste.

De ce deuil, Mgr Faraud ne se consola jamais. « La vie du Frère Alexis est assez sainte pour qu’on l’écrive », disait-il.


Au lac la Biche, le vicaire apostolique continua de se dévouer aux sauvages et métis, avec le même zèle qu’au temps de sa jeunesse voyageuse. Les longues conversations que ces grands enfants venaient lui tenir ne lassaient pas sa patience. Il les soulageait dans leurs misères corporelles. Le missionnaire du Nord doit se faire médecin pour ses malades. Médecin, Mgr Faraud le fut par aptitude naturelle comme par charité. Il tenait, et non sans succès, pour l’homéopathie, qui prône moins d’encombrants remèdes.

Il soigna surtout les âmes. Ses catéchismes aux enfants et aux néophytes ne chômaient pas de toute l’année. Le dimanche, il prêchait matin et soir, en trois langues : montagnais, cris et français. Son grand signe de croix, lent, recueilli, est resté célèbre[1].

L’évêque des sauvages, qui se donnait si entièrement à ses missionnaires et à ses Indiens, trouvait encore le temps d’entretenir en conteur charmant, les hommes de la société blanche, traiteurs ou touristes du lac la Biche, gens de

  1. Mgr Faraud était naturellement éloquent, d’organe puissant et de gesticulation abondante. Mais, en véritable orateur, il savait se faire au blancs et aux sauvages, tour à tour. Pierre Beaulieu rappelle son éloquence indienne : « — Ben oui, j’ te dis ça prêchait, ça, Mgr Père Faraud. Il chantait ben mal ; mais il prêchait ben bien ! Il criait, pareil comme une grue blanche ; et puis, il levait sa chaise en l’air, et il frappait avec sur le plancher, et il suait ! Ah, ben oui, ça l’aimait donc, les savages, Monseigneur Père Faraud ! »