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BERCEAU D’ÉVÊQUES

sement, en trouvant la douceur inattendue, dans son pauvre ballot.


Si l’affection « maternelle » de Mgr Faraud eut des préférences, elles furent pour les humbles missionnaires coadjuteurs, les frères convers. Chaque fois qu’il les revoyait, il les étreignait « à les étouffer », sur sa large poitrine. La plupart de nos vieux frères du Nord reçurent de lui leur formation spirituelle et professionnelle. On les distingue toujours. Il leur infusa quelque chose de son ardeur dévouée, se donnant tout entière dans un ouvrage, dans un exercice de piété, aussi bien que dans une récréation accordée : age quod agisfais ce que tu fais.

La première question qu’il posait à ces jeunes gens, arrivant de France ou du Canada, était : « Savez-vous travailler le bois ? ». Si oui, il les utilisait bientôt. Si non, il se faisait leur professeur en menuiserie. Avec eux, il défrichait les bois, cultivait les champs, prenant toujours pour lui le rude de la besogne, car ses douleurs lui laissaient ordinairement l’usage de sa force athlétique. Il en initia quelques-uns à la reliure et à l’imprimerie des livres sauvages.

La journée du travail des mains finie, il les réunissait pour leur apprendre les principes de la vie spirituelle et tremper leur âme pour les combats du Nord.

Le plus grand chagrin de la vie de Mgr Faraud lui vint de la mort tragique d’un frère convers, le Frère Alexis Reynard. Il s’écriait, en recevant ses restes :

« Est-ce bien là, ô mon Dieu, ce compagnon si fidèle et si dévoué de mes durs labeurs ? Ce saint qu’on aimait et qu’on vénérait, en le voyant ; cette âme pure et candide qui attirait votre grâce sur toutes nos missions et sur nous ! S’il fallait du sang pour assurer le succès de notre œuvre apostolique, vous ne pouviez pas en choisir de plus pur !… »

C’était en juillet 1875. Le Frère Alexis venait du lac Athabaska au lac la Biche, afin d’y prendre de jeunes missionnaires et de les conduire dans le Nord. Par des circonstances qu’il serait trop long d’exposer ici, le frère fut amené à faire, à pied, les 200 kilomètres qui vont du fort Mac-Murray au lac la Biche. Ils étaient trois : lui-même,