Page:Ducoté - Le Chemin des ombres heureuses, 1899.djvu/76

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de l’air, des parfums, des saveurs,
des sons, de la lumière et de la brise.
Mes yeux étaient pareils à des miroirs sensibles,
mes mains touchaient avec ivresse,
ma bouche aimait les mots et les baisers.
Mais je gardais de la mesure avec sagesse,
et je m’arrêtais sur le bord
où de l’excès va naître le dégoût
et où la volupté verse dans la débauche.
Mon esprit jouissait tour à tour
de toutes les idées ;
les fruits mûrissent et mûrs
ne tardent pas à se corrompre :
de même il n’y a pas de certitude
et c’est folie de s’attacher aux vérités
qui demain seront des mensonges.

Léthé ! je me refuse à goûter de ton onde !
Je veux me souvenir des belles nuits terrestres
où mes amis, rhéteurs, philosophes, poètes,
formaient cercle à ma table, des roses sur le front ;
tantôt nous nous bercions de sublimes cadences,

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