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Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/108

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peu à peu à nous approprier les uns et à nous garder des autres. Faisons maintenant un pas de plus : parmi ces êtres qui nous sont extérieurs, nous en remarquons qui sont semblables à nous et nous en concluons qu’ils ont les mêmes besoins que nous et que, dès lors, nous avons intérêt, eux et nous, à nous unir et à nous entr’aider et c’est dans ce but que les hommes inventent le langage et la société.

Cette société est à peine formée, que les plus forts s’empressent d’opprimer les plus faibles : ceux-ci se demandent alors s’il y a à leur oppression une raison valable et, n’en trouvant aucune, ils protestent : ce cri de la nature, c’est le commencement de la morale, car c’est l’affirmation d’un droit naturel qui dormait au fond de nos consciences et qu’a subitement réveillé la première violence sans raison et, désormais sans justice.

Cependant le corps, menacé de toutes parts et par des ennemis de toute nature, nous ramène bientôt à lui-même et à la nécessité de lui chercher au dehors des auxiliaires qui l’aident, à vivre d’abord, puis à vivre commodément et nous voici sur le chemin des sciences salutaires et des arts utiles. Sur ce chemin-là, les hommes ont eu trois stades à parcourir. Dans le premier, ils ont étudié la nature et, essayant d’en tirer parti, ils ont inventé l’agriculture et la médecine : il fallait songer d’abord à se nourrir et à se conserver. Mais, après avoir combiné réellement les corps dont ils faisaient usage et avoir ainsi créé une physique toute empirique (telles, l’agriculture et la médecine des premiers âges), les hommes ont peu à peu combiné, et cette fois, dans leur esprit seul, les propriétés les plus intellectuelles des corps, par exemple l’étendue et le nombre, et c’est ainsi que, dans le second stade, la géométrie et l’arithmétique ont pris naissance. Enfin, après avoir décomposé les corps et détaché d’eux les idées que nous en avons, pour fonder, sur chacune de ces idées abstraites, des sciences différentes, revenant sur nos pas, nous avons refait peu à peu le monde physique en rendant aux corps les