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Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/107

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savoir humain, dont le Dictionnaire allait détailler toutes les richesses. Essayons donc de donner une idée de ce discours célèbre en dégageant, de tous les détails de l’œuvre, la charpente même, laquelle a été faite de main d’ouvrier.

Le grand ouvrage qu’entreprennent Diderot et d’Alembert a deux objets distincts : il doit exposer l’ordre et l’enchaînement des connaissances humaines ; il est, en second lieu, un dictionnaire raisonné et il doit, à ce titre, contenir à la fois les principes généraux qui sont la base des sciences et des arts et les détails les plus essentiels qui en sont le corps et la substance même.

Envisagées sous le premier point de vue, qui est le point de vue encyclopédique, les différentes sciences sont unies les unes aux autres par une chaîne dont il faut retrouver les anneaux. Mais, pour mieux établir cette filiation encyclopédique des sciences entre elles, d’Alembert s’efforce d’abord de retrouver, dans le passé le plus lointain de l’humanité, l’origine même des sciences et leur filiation historique, c’est-à-dire les causes qui les ont fait naître les unes à la suite des autres et celles-ci à l’occasion de celles-là. Il y a plus : toute science n’étant qu’une combinaison des idées que nous nous faisons sur tels objets particuliers, si l’on veut pousser l’analyse jusqu’au bout et remonter à la source même de nos connaissances, il faut surprendre, pour ainsi dire, à leur naissance, les premières idées qui surgissent en nous et faire ainsi comme l’histoire ancienne de l’esprit humain. Et enfin, l’idée elle-même n’est pas le fait primitif de cette histoire, car l’idée vient de la sensation.

Que nous apprennent donc nos sensations ? Notre existence d’abord, puisque nos sensations, c’est nous-mêmes ; en second lieu les corps, et, avant tout, le nôtre ; car, s’il est, comme tous les autres, extérieur à nous, il est aussi le plus voisin de nous-mêmes. Puis, et c’est la troisième conquête de l’esprit, la nécessité de conserver notre corps nous fait examiner, parmi les objets extérieurs, ceux qui peuvent nous être ou utiles ou nuisibles, pour nous amener