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Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/115

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le mieux su parler de tout à tout le monde, qui, poète et prosateur, philosophe et savant, a mieux connu que personne l’art de rendre sans effort chaque idée par le terme qui lui est propre ; on ne pouvait, nous l’avons dit ailleurs, mieux désigner Voltaire.

Essayons, après l’avoir résumé de notre mieux, d’apprécier ce discours qui fut vraiment, au dix-huitième siècle, un événement littéraire et dont ne parlaient qu’avec une respectueuse admiration les ennemis même de l’Encyclopédie. Il est impossible aujourd’hui de le louer sans réserve ; car ce progrès même de la science, qu’y célèbre d’Alembert avec tant d’enthousiasme et auquel il avait lui-même par ses travaux largement contribué, a dénoncé peu à peu à nos yeux certaines imperfections de son œuvre. Parmi ces imperfections, les unes sont imputables à son siècle, lequel ne pouvait soupçonner les solutions nouvelles qu’allaient donner, aux grands problèmes agités par les Encyclopédistes, des sciences encore ignorées d’eux, et telles que la critique historique et la philologie. Quant aux erreurs ou aux assertions téméraires dont d’Alembert est plus personnellement responsable, les unes viennent de ce qu’il appartenait à un parti dont il a reproduit dans son discours certains préjugés et certaines injustices ; quelque effort qu’il ait fait pour s’élever à une sereine impartialité, il n’atteint celle-ci que par endroits. D’autres fautes, enfin, sont simplement des fautes de goût ; par exemple, ces jugements sur les grands écrivains du dix-septième siècle, jugements sommaires exprimés sèchement et qui trahissent, comme on pouvait s’y attendre, le mathématicien qui parle géométriquement des choses fines. Ainsi de penser qu’on a caractérisé Bossuet en disant simplement qu’il alla se placer à côté de Démosthènes, ou qu’on a rendu justice à La Fontaine en lui accordant qu’il fit presque oublier Ésope et Phèdre, c’était, pour quelqu’un qui avait entrepris de mettre à leur rang les grands génies de l’humanité, inspirer à ses lecteurs une médiocre confiance dans son jugement et son goût littéraire.