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Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/160

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phémisme, qu’il faut « les renvoyer devant leur juge naturel », mais c’est que les juges humains n’ont rien à voir dans leurs prétendus crimes : « les actes purement intérieurs ne sauraient être assujettis aux peines humaines ; ces actes, connus de Dieu seul, ont Dieu pour juge et pour vengeur[1]. »

D’ailleurs, la peine devant toujours « être tirée de la nature de la chose », le prêtre pourra, s’il veut, punir le coupable, blasphémateur ou hérétique, « par la privation des avantages que donne la religion, par l’expulsion des temples, par exemple », mais jamais par l’expulsion d’une société à laquelle ce coupable n’avait pas sacrifié son droit de penser et de croire à sa guise. Un des avantages du contrat (réel ou fictif, peu importe), par lequel chaque citoyen accepte de faire partie d’une société, c’est que le contractant, s’il veut bien aliéner, dans l’intérêt général, une partie de sa liberté, exige pourtant que cette partie soit délimitée ; que, par exemple, les droits qu’il donne sur lui aux magistrats soient nettement déterminés, que les délits et les peines soient clairement désignés dans la législation ; car il ne veut plus être à la merci des juges fixant eux-mêmes, et selon leur bon plaisir, la gravité de sa faute et de son châtiment.

Précisément, à cette époque, toutes les condamnations étaient arbitraires ; « c’est une espèce de maxime que les peines sont arbitraires dans ce royaume ; cette maxime est accablante et honteuse[2] ».

On pouvait, a très bien dit un auteur contemporain, condamner le prévenu, ou bien, si l’on voulait, ordonner un plus ample informé, c’est-à-dire ne pas l’acquitter, mais le laisser sous le poids de la poursuite ou même le retenir en prison. Le tribunal pouvait, à sa guise, vous retenir en prison, vous renvoyer ou vous condamner. De toute façon, il fallait accepter l’arbitraire de la peine ; point d’appel à cet égard. Les circonstances particulières du procès permettaient aux juges d’aggraver la peine, de sorte que, sur tous

  1. Encyclopédie : art. Crime.
  2. Servan : Disc. sur l’administration de la justice criminelle, 1766.