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Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/161

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les chefs, on pouvait toujours aller jusqu’à la mort[1]. La mort, toujours la mort ! s’écrie Servan, et presque sous la même forme, et cependant, quelle distance dans les crimes !

Arbitraire et cruauté, voilà donc les deux choses qui caractérisent la pénalité alors en vigueur et que les philosophes vont s’efforcer de faire disparaître de nos codes. Et d’abord, plus de caprice dans l’application des peines, mais des peines proportionnées aux crimes et, pour cela, tirées de la nature particulière du crime ; car, dès lors, comme l’avait dit Montesquieu, à qui les Encyclopédistes empruntent ici leurs meilleures idées de réformes, « tout l’arbitraire cesse ; la peine ne descend point du caprice du législateur et ce n’est point l’homme qui fait violence à l’homme ». Qu’un déserteur, réclame l’Encyclopédie, ne soit plus puni de mort ! Et Voltaire s’écriera à son tour : « Traiterez-vous donc un jeune dissolu (de la Barre) qui aura profané une image sacrée comme vous avez traité la Brinvilliers qui avait empoisonné son père et sa famille ? » Et, s’inspirant de ces justes récriminations, le Tiers de Draguignan demandera « que les peines soient fixées de manière que le juge soit lié et que la loi seule condamne. »

Et en second lieu, des châtiments moins atroces et qui déshonorent moins l’humanité ; et, sur ce dernier point, si les Encyclopédistes se souviennent de l’Esprit des Lois, ils s’inspirent encore plus d’eux-mêmes, de leur raison et de leur sensibilité. Leur raison leur dit que, si le coupable n’était peut-être pas libre de ne pas mal faire, c’est alors surtout qu’il faut avoir pitié de lui et ne lui infliger que des châtiments qui sont vraiment indispensables à la sécurité sociale, car « tout ramène à l’indulgence celui que l’expérience a convaincu de la nécessité des choses[2]. » C’est leur raison qui leur démontre encore que les peines horribles manquent leur but, que toute cruauté dans la punition est

  1. Laboulaye : Leçons professées au Collège de France (Revue Bleue, II, 751).
  2. D’Holbach : Syst. de la Nat., I, 249.