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ces magistrats qu’il prend à partie, auraient « roué de gaîté de cœur » ceux qu’il a sauvés ou vengés. Il est des cas, semble-t-il, où le service rendu est tel qu’il donne tort d’avance à tous ceux qui refusent ou marchandent leurs éloges au bienfaiteur[1].


IV. — la politique. — les encyclopédistes
et la révolution française


C’est par les réformes que nous venons d’indiquer que les Encyclopédistes espèrent contribuer au bonheur des individus et des peuples, but suprême de leur philosophie pratique et bienfaisante. Ce bonheur, toutefois, ne saurait être assuré que si l’on délivre l’humanité des deux plus grands

  1. Et quand il faisait réhabiliter, vers 1765, un Calas ou toute autre victime de la stupide férocité des juges de ce temps, Voltaire, d’accord ici avec Rousseau, ne faisait que tirer la conclusion pratique du grand et noble principe que celui-ci avait proclamé en ces termes dès 1754 dans l’Encyclopédie : « La convention sociale serait dissoute, s’il périssait, dans l’État, un seul citoyen qu’on eût pu secourir, si l’on en retenait à tort un seul en prison et s’il se perdait un seul procès avec une injustice évidente… Le salut d’un citoyen est-il moins la cause commune que celui de tout l’État ? Qu’on nous dise qu’il est bon qu’un seul périsse pour tous : j’admirerai cette sentence dans la bouche d’un digne et vertueux patriote qui se consacre volontairement et par devoir à la mort pour le salut du pays. Mais si l’on entend qu’il soit permis au gouvernement de sacrifier un innocent au salut de la multitude, je tiens cette maxime pour une des plus exécrables que jamais la tyrannie ait inventées… et la plus directement opposée aux lois fondamentales de la société. Loin qu’un seul doive périr pour tous, tous ont engagé leurs biens et leurs vies à la défense de chacun d’eux, afin que la faiblesse particulière fût toujours protégée par la force publique et chaque membre par tout l’État. » Et qu’on veuille bien peser les paroles suivantes : » Après avoir, par supposition, retranché du peuple un individu après l’autre, pressez les partisans de cette maxime à mieux expliquer ce qu’ils entendent par le corps de l’État, et vous verrez qu’ils le réduiront à la fin à un petit nombre d’hommes, qui ne sont pas le peuple, mais les officiers du peuple et qui, s’étant obligés par un serment particulier à périr eux-mêmes pour son salut, prétendent prouver par là que c’est à lui de périr pour le leur. » Art. Économie politique.