Aller au contenu

Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/164

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

le livre de Beccaria (1766), qu’il sera dans les mains de tous ceux, qui lisent en Europe.

Et enfin ce que produisirent toutes ces protestations de nos philosophes, leur influence immédiate sur l’opinion de la France entière, les cahiers de 89 nous le montrent surabondamment, car voici en résumé ce qu’ils réclament tous : « Les trois ordres sont d’accord pour demander une réforme générale du droit criminel. Il y aura désormais un code pénal ; les délits et les peines y seront exactement déterminés et méthodiquement classés ; les châtiments seront modérés et proportionnés aux fautes. Le principe de l’égalité de la répression est proclamé ; la peine de mort cessera d’être prodiguée ; l’assistance d’un défenseur en matière criminelle sera désormais nécessaire : nulle torture d’aucun genre, ni avant ni après le jugement[1]. »

Si donc aujourd’hui on ne torture plus les coupables, si l’accusé a un défenseur et si sa cause se plaide au grand jour, si nous n’avons plus enfin de ces codes qui semblent « avoir été composés par le bourreau », comme disait Voltaire, ce n’est pas seulement au progrès des mœurs qu’il faut vaguement l’attribuer, ni même aux lois de la Révolution ou au code criminel de l’Empire, mais c’est bien à ceux qui, par leurs écrits, ont rendu ce progrès possible et ce code nécessaire ; c’est, après Montesquieu, aux Encyclopédistes et au plus grand de tous, à Voltaire, qui se fit, pendant près de vingt ans, l’avocat tour à tour éloquent et sensé, spirituel et passionné, toujours convaincant et jamais las, de toutes les victimes d’une législation absurde et barbare. Quoi qu’on puisse dire contre lui, et Dieu sait si on a cherché curieusement tous les mobiles, plus ou moins nobles, paraît-il, qui auraient pu le pousser à prendre en mains la défense des Sirven, des Calas et de tant d’autres malheureux, il n’en est pas moins vrai qu’il les a défendus quand d’autres se taisaient ou que d’autres encore, comme

  1. Albert Desjardins : Les cahiers des États-généraux de 1789 et la Législation criminelle. Paris, Durand, 1883.