culier à l’intérêt public… et, par des peines et récompenses, nécessiter la vertu. » Et Diderot écrira, dans le même esprit : « La vertu se définit pour le Législateur : la conformité habituelle des actions à la notion de l’utilité publique[1]. » Enfin, un des exemples les plus curieux de cette singulière manie de tout rapporter au gouvernement est dans ce passage de d’Alembert : « Notre sottise et notre frivolité française tiennent encore plus à notre gouvernement » qu’à notre caractère[2].
Ainsi les Encyclopédistes non-seulement admettent, comme tout le monde, d’ailleurs, autour d’eux, mais invoquent en politique l’omnipotence de l’État ; or, l’État au dix-huitième siècle, c’est le monarque ; aussi l’Encyclopédie est-elle nettement monarchiste. Diderot pense, d’accord avec tous les publicistes du temps, « qu’un petit État seul doit être républicain. Le législateur donnera le gouvernement d’un seul aux États d’une certaine étendue. Dans une république il se formerait nécessairement des factions qui pourraient la déchirer et la détruire[3]. » Ailleurs on lit, après une très véhémente critique des républiques, l’éloge formel et, croyons-nous, très sincère, théoriquement parlant, du gouvernement monarchique qui « seul a trouvé les vrais moyens de nous faire jouir de tout le bonheur, de toute la liberté possibles et de tous les avantages dont l’homme en société peut jouir sur la terre[4] ».
Que le monarque soit juste et bon, les Encyclopédistes ne souhaitent rien de plus, parce que c’est, à leur sens, ce qu’ils peuvent souhaiter de meilleur à la faible humanité, incapable de se diriger et de se gouverner elle-même : « Le seul baume à notre servitude, c’est, de temps en temps, un prince vertueux et éclairé ; alors les malheureux oublient pour un moment leurs calamités[5]. » Tout dépend donc de
- ↑ Nouv. Revue, 15 sept. 1883.
- ↑ D’Alembert à Frédéric, édit. Preuss., XXIV, 633.
- ↑ Encyclopédie : art. Législateur.
- ↑ Art. Économie politique.
- ↑ Note de Grimm aux Fragments politiques, de Diderot.