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Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/176

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qu’ils ont encore de barbare et de suranné, à l’égalité devant la loi et devant l’impôt, à la liberté pour leurs personnes et à la tolérance pour leurs écrits[1]. De l’adage qui résume l’histoire de l’ancienne France : « une foi, une loi, un roi », c’est le premier mot seul qu’ils veulent rayer ; mais ils demandent qu’il n’y ait pour tous qu’une seule loi et qu’elle soit faite, comme par le passé, et à l’encontre de ce que veut le Parlement, par le roi seul. Ils paraissent donc être, à la condition qu’elle sache se servir d’eux, les plus sûrs alliés de la royauté et, si toutefois l’on veut bien supposer que la Révolution n’était pas inévitable, c’est, semble-t-il, par l’alliance des rois et des philosophes qu’elle eût peut-être été évitée. Le vrai moyen pour Louis XV, et, qui sait ? pour Louis XVI lui-même, de sauver la monarchie, c’était peut-être, s’ils eussent eu moins de préjugés et plus de génie, de se déclarer hardiment les rois de ces philosophes qui étaient les rois de l’opinion publique. En échange de quelques faveurs qui, sans lui porter un sérieux préjudice, auraient finalement donné un nouveau prestige à la royauté, les philosophes auraient à la fois fortifié et enrichi le pouvoir royal, puisqu’ils auraient aidé celui-ci à abaisser, autant qu’il lui aurait plu, ses dangereux tuteurs : les parlements et le clergé. Pour ce qui est des parlements, il suffit de rappeler la haine et les sarcasmes de Voltaire contre ces « bourgeois séditieux, ces Busiris en robe » qui ont condamné Calas et persécuté les philosophes ; on sait de même que les ministres philosophes, Turgot et Necker, étaient très ennemis de l’intervention des parlementaires, lesquels se plaignaient à leur tour du « despotisme ministériel. » Les Encyclopédistes auraient donc empêché que le roi, suivant le mot même de Louis XV, ne mît jamais sa couronne aux pieds des parlements.

Quant au clergé, on sait de reste quel était, à son

  1. « Je pense, écrit d’Alembert à Frédéric, que la forme du gouvernement est indifférente, pourvu que le gouvernement soit juste et que tous les citoyens aient également droit à sa protection, qu’ils soient également soumis aux lois. » (Édit. Preuss, XXIV, 49.)