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Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/199

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s’ajouter aux autres causes de ruine que l’ancien régime renfermait dans son sein et dont il est difficile de dire quelle fut la principale. Ce qui est sûr, c’est que, quand la Révolution éclata, et même durant la tourmente révolutionnaire, il ne fut pas plus question de philosophie que si Voltaire et Diderot n’avaient jamais écrit une ligne. Ce n’est que plus tard, quand eut sonné l’heure des discussions, qu’on rouvrit les livres des philosophes et il est plus facile alors de définir l’influence d’un Montesquieu ou d’un Raynal, d’un Mably ou d’un Rousseau, parce que ces auteurs favoris des orateurs de la Révolution inspirent très visiblement la plupart des discours ou des tirades républicaines : ce fut la période triomphante de la philosophie après la période militante que nous venons d’étudier[1]. L’histoire de cette période se confondrait avec l’histoire de la Révolution française, que nous n’avons pas à faire. Ce qui se rattache plutôt à notre étude, ce qui en est la conclusion naturelle, c’est de dégager les principes généraux qui ont survécu à la propagande encyclopédique et à la Révolution française, et de montrer par quoi ils se recommandent encore, selon nous, à l’attention de nos contemporains : ce sera l’objet de notre dernier chapitre.

V. — la religion


Si les Encyclopédistes, comme on vient de le voir, avaient respecté le sceptre, ils ne se firent pas faute de tou-

  1. On connaît l’influence prépondérante de Rousseau : « C’est lui seul qui a inoculé chez les Français la doctrine de la souveraineté du peuple et de ses conséquences les plus extrêmes. J’aurais peine à citer un seul révolutionnaire qui ne fût transporté de ces théories anarchiques et qui ne brûlât du désir de les réaliser. Ce Contrat social, qui dissout les sociétés, fut le Coran des discoureurs apprêtés de 1789, des Jacobins de 1790 et des forcenés les plus atroces. J’ai entendu Marat, en 1788, lire et commenter le Contrat social dans les promenades publiques aux applaudissements d’un auditoire enthousiaste. » (Mallet-Dupan, Mercure britannique, II, 360, et Taine, Anc. Rég., 414).