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Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/208

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gnant d’entrer dans les ordres, devenu homme, continuait à contrefaire le capucin pour jouer encore de bons tours à l’Église[1]. Seulement ce jeu pouvait être dangereux à d’autres qu’au clergé : car lorsque les philosophes se plaindront d’être persécutés, ne pourra-t-on pas invoquer contre eux leurs déclamations orthodoxes ? C’est justement ce que fait Bergier dans un passage fort habile où, invoquant contre un athée, d’Holbach, « les peines portées par les lois contre les fanatiques et les séditieux », il ajoute : « On enseigne dans l’Encyclopédie », et il cite l’article athéisme qui donne pleinement raison à son intolérance[2].

Tandis que, dans l’Encyclopédie, Diderot déclarait que « le magistrat a le droit de réprimer ceux qui professent l’athéisme et de les faire périr s’il ne peut en délivrer autrement la société », il démontrait à Grimm que « l’idée de Dieu et l’immortalité de l’âme sont des chimères », et il ajoutait, après s’être modestement comparé à Socrate, mourant pour la vérité : « Je sacrifierais peut-être ma vie si je pouvais, par exemple, anéantir pour jamais la notion de Dieu de l’imagination et de la mémoire des hommes[3] ».

Ce qui lui permettait d’adorer dans l’Encyclopédie, avec quels élans d’enthousiasme, on l’a vu, les mêmes choses qu’il brûlait avec tant d’entrain à huis-clos, c’était l’utile et rassurante distinction des deux doctrines : l’une, pour les initiés, la doctrine ésotérique ; l’autre, pour la foule, la doctrine exotérique, car « la voie des raisonnements n’est pas faite pour le peuple[4] ».

  1. À l’article Promesse, Diderot s’exprime ainsi : « Il est certain que dans les choses de la vie on ne veut point, en promettant, s’engager à des difficultés plus grandes que celles qui sont communément attachées à la chose promise ; quand ces difficultés augmentent, ou qu’il en survient de particulières, on n’a pas prétendu s’engager à les surmonter… D’ailleurs, ce qu’on appelle promesse n’est souvent qu’un désir, une disposition de celui qui parle et qui semble promettre. » Mlle de Lespinasse a quelque part renversé d’un mot cet échafaudage de raisonnements trop… subtils : « D’ailleurs, j’avais promis, et la morale ne doit pas être raisonneuse ».
  2. Bergier : Apologie de la religion, 1769, I. 209.
  3. Grimm, V, 134.
  4. C’est Naigeon qui attribue à son maître, mais, cette fois, sans le