réservés aux nobles. Ainsi aux nobles seuls les grandes charges dans l’Église et dans l’armée, à eux seuls les plus grandes dignités de l’État et le privilège, si envié, de s’approcher du trône, d’être « véritablement et d’effet, comme le disait superbement Saint-Simon, laterales regis. » Ils auront beau, plus tard, dans la nuit du 4 août, sacrifier leurs droits féodaux sur l’autel de la patrie : ils n’en garderont pas moins au fond, avec leurs richesses territoriales, leur éternelle morgue qui leur vient de cet indéracinable préjugé de la fortune et du sang. Ils forment donc eux-mêmes quelque chose de pire qu’une coterie : une caste orgueilleuse, égoïste et fermée, en dépit de son scepticisme souriant et de ses prétentions mondaines à l’humanité. On va voir tout à l’heure comme les membres de l’Église vont se serrer et opposer, comme c’est leur droit, du reste, leur phalange sacrée à toutes les hardiesses philosophiques des Encyclopédistes. Mais ce que nous devons marquer ici, c’est que le clergé, en tant que corps constitué et riche propriétaire, ne tient pas moins à ses terres qu’à ses dogmes eux-mêmes. On sait le mot de l’évêque d’Uzès à cette même nuit du 4 août : « Je voudrais avoir une terre ; il me serait doux de la remettre aux mains des laboureurs ; mais nous ne sommes que dépositaires. » Les biens du clergé sont sacrés, et y toucher, c’est toucher à la religion même.
Le clergé veut bien contribuer aux nécessités publiques, mais non pas par ses deniers : seulement par ses prières et par le salut des âmes. Déjà, en 1750, quand Machault avait proposé d’établir l’impôt du vingtième et de le rendre vraiment général en le débarrassant des exemptions de toute sorte qui avaient rendu le dixième si peu productif, le clergé, par une foule de brochures, avait protesté contre cette mesure équitable qui proclamait l’égalité de tous devant l’impôt : « Où a-t-on vu, s’écriait l’auteur ecclésiastique d’une de ces brochures, que le prince devait observer l’égalité dans la distribution des impôts ? Telles maximes doivent effrayer, doivent même exciter l’indignation, je ne dis pas seulement des prêtres, mais de la noblesse et de la magis-