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Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/247

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On a vu par quel savant système de ruses philosophiques les auteurs de l’Encyclopédie avaient attaqué l’Église ; voyons maintenant comment s’y prit l’Église, tout d’abord, pour déjouer les secrets desseins des prudents Encyclopédistes ; puis, à mesure que l’incrédulité de ceux-ci s’enhardit, pour repousser les attaques plus directes dont peu à peu elle se vit l’objet. Elle avait en mains des moyens de défense très variés et, on va le voir, elle usa de tous à la fois avec un infatigable zèle.

En premier lieu, et comme corps constitué, le Clergé dénonça solennellement l’incrédulité dans ses Assemblées générales ; le don gratuit qu’elle allouait au roi dans ces assemblées, elle entendit qu’on l’en dédommageât par des poursuites plus rigoureuses exercées contre les philosophes aussi bien que contre les hérétiques, et Barruel a pu dire, avec une satisfaction légitime, que « depuis 1750 (c’est-à-dire depuis l’apparition de l’Encyclopédie), il n’est pas une assemblée du Clergé qui n’ait averti le trône et la magistrature des progrès du philosophisme ». Deux de ces assemblées méritent d’attirer ici notre attention, parce qu’elles se montrèrent particulièrement ardentes à dénoncer l’impiété et que leurs dénonciations, favorablement accueillies par le roi et le parlement, eurent pour effet d’entraver pour un temps la propagande et de déchaîner la colère des philosophes. Ce sont celles de 1758 et de 1770.

En 1758, l’évêque de Valence fut chargé par l’Assemblée de lire au roi un Mémoire, contenant les doléances du clergé, au sujet des « mauvais livres », de ceux, en particulier, qu’a inspirés « l’orgueilleuse philosophie ». Et, de fait, la philosophie avait lieu de s’enorgueillir, puisque ses œuvres, de l’aveu même du mandataire de l’Église, étaient « très recherchées » à cause de « l’esprit » qu’on affectait d’y répandre. Notons toutefois que, si l’on reconnaît implicitement, avec leur « attrait dangereux », le succès des écrits philosophiques, on ne dénonce encore dans ceux-ci que les timides audaces du déisme et de la religion naturelle : « une religion sans culte et un Dieu indifférent aux