Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/249

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L’Église comprit tout de suite la portée de ce livre et qu’il était bien la conclusion logique, encore que très sincèrement repoussée et réprouvée par Voltaire et quelques autres, de la pensée philosophique du siècle : car c’est bien à d’Holbach, par exemple, qu’aboutissent, sinon par leurs écrits imprimés, du moins par leurs œuvres restées manuscrites et par les principes mêmes qu’ils professaient, les deux chefs de l’Encyclopédie, Diderot et d’Alembert. Le système de d’Holbach trouva, sans doute, comme en avait exprimé le pieux espoir cette Assemblée du clergé de 1770, « des contradicteurs parmi ceux mêmes qui semblaient se réunir à l’auteur pour combattre la religion » ; il n’est pas moins certain que, comme l’affirmait encore le clergé, d’Holbach avait « laissé échapper l’affreux secret de la philosophie » et que ce secret n’était plus désormais, comme en 1758, un inconséquent et timide déisme, mais un athéisme intrépide qui affirmait hautement ses principes et en déduisait tranquillement ses plus graves conséquences. On voit par là tout le chemin parcouru et en si peu de temps par la philosophie : comme les héros d’Homère, elle avait en quelques pas parcouru le ciel et elle en sortait le déclarant vide et tout au plus bon pour servir d’épouvantail entre les mains « des rois despotes et des prêtres imposteurs ». Ce qu’on osait à peine penser, quelques années auparavant, on l’imprimait à cette heure « et les lois se taisaient, et l’autorité tranquille ne songeait pas à arracher des mains des sujets du roi l’assemblage monstrueux de tant d’iniquités[1] ».

Devant tant d’effronterie et une si étonnante impunité, le clergé, dans son Assemblée de 1770, jeta un cri d’alarme et adressa un suprême appel à la fois au roi, aux évêques et à tous les fidèles du royaume. L’archevêque de Reims fut d’abord chargé de faire au roi, au nom du clergé assemblé, une harangue pressante, dans laquelle il suppliait Sa Ma-

  1. Mém. au Roi sur l’impression des mauvais livres : Procès-verbaux des Assemblées du clergé, 1770. Biblioth. de l’Arsenal.