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soin d’éclaircir les textes et l’honneur de créer cette exégèse scientifique que chez nous Richard Simon aurait fondée un siècle avant eux, si l’Église n’avait brutalement interrompu ses ingénieux travaux. C’est Bossuet, on le sait, qui avait porté au chancelier le livre de Simon, la Critique de l’Ancien Testament, « cet amas d’impiétés et ce rempart du libertinage. » M. de la Reynie en avait alors fait brûler tous les exemplaires, au nombre de quinze cents, raconte avec joie Bossuet, « et ce, nonobstant le privilège donné par surprise[1] ». Il est bien plus simple, en effet, et plus canonique de s’en tenir au sens donné par la bible latine, le seul livre à peu près que lise le clergé au temps de l’Encyclopédie ; car pendant tout le dix-huitième siècle, pour les milliers de prêtres qu’il y a en France, on n’a pas imprimé une seule bible grecque[2].

Il y eut cependant une traduction française de la Bible, avec commentaires, qui fut très répandue à cette époque : c’est celle de don Calmet (1707). Mais elle ne se piquait pas d’éclaircir ce qui était obscur et visait avant tout à l’édification des fidèles : il n’y avait pas là de quoi renouveler la science biblique, ni réfuter les savantes dissertations de Spinoza sur la date où fut composé l’Ancien Testament, ou celles de Diderot contre l’authenticité des Évangiles[3], ou encore les justes remarques de Voltaire sur l’origine exotique du quatrième Évangile[4].

Il est vrai qu’au lendemain de l’Encyclopédie, ce dont la religion avait surtout besoin, c’était moins de commentateurs et d’érudits que d’apologistes, voire même de pamphlétaires capables de la défendre et de rendre coup pour coup à ses ennemis. Les défenseurs de ce genre ne firent pas défaut à l’Église, mais bien le talent à beaucoup de ses défenseurs. Quand on lit sans parti pris, et même

  1. Voir là-dessus, les Leçons de Laboulaye au collège de France : Revue des Cours litt., III, 45.
  2. Voir Reuss : Gesch. der Heilig. Schriften, N. Test., 4e Aufl. 437.
  3. Pensées philosophiques, par. 60.
  4. Voir Strauss : Voltaire, trad. franc., p. 232.