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Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/267

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moins vrai que l’Église avait, dès cette époque, interdit à ses défenseurs toute véritable originalité : car elle avait posé à l’étude de la Bible des bornes infranchissables, lorsqu’elle avait établi, dans ses conciles, un canon immuable à jamais. Il fallait vénérer, non discuter, tous les livres bibliques, sans exception, que venait de proclamer canoniques le concile de Trente ; faute de quoi on était anathème[1].

En face de ces protestants, qui se divisaient en tant de sectes rivales, le concile de Trente avait tenu à honneur d’affirmer plus hautement que jamais l’union des catholiques, tous fidèles, non seulement à l’esprit, mais à la lettre même des livres sacrés, telle que l’avait établie la sainte mère l’Église[2]. Dès lors, ce n’est plus seulement le dogme qui s’immobilisait : mais l’explication des textes devenait inutile et même criminelle ; car il ne s’agissait plus désormais d’interpréter l’Écriture, mais simplement de comprendre l’interprétation définitive et à jamais arrêtée qu’en avait donnée l’Église. Au siècle suivant, les Jansénistes apprendront à leurs dépens ce qu’il en coûte d’appliquer son sens individuel à ce que la tradition a, une fois pour toutes, établi et fixé pour tous. « La bulle Unigenitus en 1713, a-t-on dit avec force, fermait le catholicisme, car il niait la discussion[3]. » On laissera donc aux Allemands le

  1. « Si quis libros ipsos integros cum omnibus suis partibus, prout. in eccl. cathol. legi consueverunt et in veteri vulgata latina editione habentur pro sacris et canonicis non susceperit… anathema sit. » (Concil. trident. sess. IV, 8 avril 1546).
  2. « Decernit ut nemo suæ prudentiæ innixus in rebus fidei et morum… sanctam scripturam ad suos sensus contorquens, contrà eum sensum quem tenuit et tenet sancta mater Ecclesia… interpretari audeat. » (Ibid.). Ce décret est la base de toute l’herméneutique postérieure du catholicisme.
  3. Brunetière : Études critiq. sur l’hist. de la litt franç. V, 222. — « Opposons, (avait proclamé Bossuet dans son Sermon sur l’unité de l’Église), au charme trompeur de la nouveauté, l’autorité de la tradition où tous les siècles passés sont renfermés et l’antiquité qui nous réunit à l’origine des choses… Marchons dans les sentiers de nos pères… On croit toujours ce qu’on a cru… » Et d’ailleurs, « pour condamner ceux qui s’égarent dans les routes nouvelles… Rome n’est pas épuisée dans sa vieillesse et sa voix n’est pas éteinte. » (Ibid.).