Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/277

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écurie à part ; telle est l’idée que vous vous faites de l’économie de ce prince sage. Au reste, quand on a déjà eu l’adresse de mettre quatorze cents chariots dans quarante mille remises, on peut bien placer douze mille chevaux dans douze mille écuries. » — Et, qu’on le remarque, dans ses plaisanteries, comme d’ailleurs dans les critiques sérieuses qu’il fait du Dictionnaire philosophique, Guénée ne se départ jamais de la plus parfaite urbanité : en cela encore il pouvait en remontrer à Voltaire. Ses Lettres obtinrent un très grand et très légitime succès : elles eurent en France de nombreuses éditions et elles furent traduites en allemand et en anglais ; Chateaubriand les connaissait et, de nos jours encore, on ne les lit pas sans plaisir.

Mais le plus laborieux et le plus célèbre apologiste chrétien du dix-huitième siècle, c’est Bergier : il était chanoine, confesseur de Mesdames, tantes de Louis XVI, et docteur en théologie. Le Clergé de France, dans son Assemblée de 1770, lui avait voté une pension pour qu’il pût « quitter son canonicat et vaquer entièrement à la défense de la Religion ». Dans cette même assemblée, l’archevêque de Reims recommandait aux défenseurs de l’Église de s’attacher tout particulièrement aux articles de la foi que l’incrédulité s’efforçait de battre en brèche, à savoir : « l’inspiration et la vérité des livres saints, la pureté de la morale évangélique, la nécessité d’une révélation, la liaison sublime du Christianisme avec l’ordre social ». Et c’est bien là le programme qu’a rempli, avec plus de conscience que de talent, ce même Bergier qui s’était acquis entre tous, au dire d’un autre docteur en théologie (de Monty, censeur royal), « la réputation de combattre solidement les ennemis de la Religion » ; mais je crains que le censeur royal n’ait pris ici pour de la solidité ce qui n’était que de la lourdeur. Bergier, dans ses trop minutieuses réfutations des ouvrages impies, suit pas à pas l’auteur qu’il réfute, s’exposant ainsi à se répéter sans cesse ou à renvoyer le lecteur à ce qu’il a déjà dit : ce n’est pas avec de telles armes qu’on pouvait se flatter de battre Voltaire. Bergier n’en fut pas moins un