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Languedoc[1]. » Inversement quelques-uns, dit La Bruyère, « achèvent de se corrompre par de longs voyages », particulièrement en Italie ; témoin des Barreaux qui, au dire de Gui Patin, « avait quelque grain de libertinage avant d’aller en Italie ; mais, à son retour, il était achevé. » Enfin, d’autres Italiens passèrent les monts, non en personne, mais par leurs ouvrages qui circulaient sous le manteau ; par exemple, les livres baroques de Cardan, traduits, dès 1556, par un certain Richard Blanc, livres dans lesquels trônait Nature, mère des hommes, et où l’on exposait complaisamment les objections des mahométans contre la religion chrétienne. Il était peu pieux, dit Bayle (parum pius), et il résulterait même de ses doctrines que « notre âme est aussi mortelle que celle d’un chien. » C’est précisément après avoir parlé des hérésies de Cardan et de Vanini que le père Garasse ajoute, et il était très au fait du libertinage, puisque son livre est de 1623 : « Il s’est élevé depuis peu une bande d’athéistes qui ont fait un pot-pourri de toutes ces fantaisies. »

Que ces athéistes ou esprits forts aient été assez nombreux pour inspirer de sérieuses inquiétudes à l’Église, c’est ce que prouve, bien plus que les évaluations contestables de Lanoue ou du père Mersenne[2], le pieux acharnement que mettent à les combattre, dans la chaire ou dans les livres, les Bossuet, les Bourdaloue, les Massillon et les Pascal.

Les Libertins n’écrivaient pas, pour cette bonne raison, dit le père Garasse, qui en parlait à son aise, « qu’un fagot a peur de la braise. » Pourtant, sur leurs façons de penser

  1. Vanini fut brûlé à Toulouse, en 1619.
  2. Lanoue compte en 1585, dans ses Discours, un million d’athées ou d’incrédules en France ; le père Mersenne, en 1623, (Quæstiones celeberrimæ in genesim…), 50 000 à Paris et peut-être, ajoute-t-il, 12 par famille. À la fin du siècle, en 1698, d’après la Palatine, mère du Régent (Lettres nouvelles), » la foi est tellement éteinte en France qu’on ne voit presque plus un seul jeune homme qui ne veuille être athée. » Enfin, en 1727, Mme de Lambert se plaint (Avis d’une mère à son fils) que « la plupart des jeunes gens croient se distinguer en prenant un air de libertinage. »