Aller au contenu

Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/305

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

plus fréquents dans les siècles d’ignorance, ce n’est que parce que, dans ce temps-là, tout le monde croyait, en sorte que le démon ne pouvait séduire les hommes que par la voie de la superstition. Au lieu que, dans un siècle comme le nôtre, où l’on se fait gloire de ne rien croire et de révoquer en doute les vérités de la religion les plus constantes, la fréquence de ces prestiges, ne permettant plus de douter de l’existence des démons à ceux qui oseraient la nier, tendrait nécessairement à renverser un empire (celui de l’incrédulité), que cet ennemi du genre humain a tant d’intérêt d’étendre et de conserver[1]. » Ainsi le diable se cachait pour ne pas contrarier les philosophes qui, en le niant, combattaient pour lui, puisqu’ils augmentaient par là le nombre des incrédules : à tant de machiavélisme qui ne reconnaîtrait, en effet, l’esprit malin ?

C’est enfin comme un absurde et impertinent défi jeté à cette même nature que les philosophes condamnaient et raillaient le célibat : nous épargnerons au lecteur leurs plaisanteries (elles sont d’ailleurs traditionnelles en pays gaulois), sur les moines et les couvents. Ce qui nous intéresse seulement ici, c’est la réponse des Anti-Encyclopédistes aux attaques des philosophes sur cette délicate matière. Les philosophes soutenaient qu’aux yeux de l’Église, le mariage est une imperfection. Nullement, répliquaient les théologiens, amis des distinctions fallacieuses ; « la continence n’est un état plus parfait que pour le petit nombre de ceux que Dieu y a destinés[2]. » Mais ce petit nombre, ces élus, sont plus parfaits pour cette raison spéciale, entre d’autres, qu’ils ne se marient pas ; se marier, pour eux, ce serait déchoir et s’avilir : le mariage est donc une imperfection aux yeux de Dieu. Les philosophes montraient encore que le célibat favorise la dépopulation : tant mieux, s’écriait dans son Instruction pastorale de 1763 le bon évêque du Puy, car admirez la prévoyance de l’Église : si

  1. M. de Vouglans : Lois criminelles de la France dans leur ordre naturel, édit 1780, III, 103.
  2. Bergier : Apologie, II, 105.