Aller au contenu

Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/314

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

torze ans ; aux médecins, de prévenir les curés, quand leurs malades sont en danger de mort, et aux parents, d’introduire les curés, seuls, auprès des malades. Interdiction des charges publiques aux hérétiques. Défense de se marier en pays étranger et peine des galères contre les parents qui permettraient à leurs enfants d’enfreindre la défense[1].

Eh quoi ! répétaient à l’envi les philosophes, n’est-ce pas assez que les dragonnades aient appauvri et dépeuplé la France au profit de nos ennemis ? — Quelle erreur est donc la vôtre, s’écriait Caveyrac : « La révocation de l’édit de Nantes, cet acte d’une sagesse très réfléchie, n’a fait de tort ni au commerce, ni aux finances, ni à la population » ; et il avait l’intrépidité d’en fournir la preuve, et il triomphait quand, à la suite de nombreux calculs, il pensait avoir établi « qu’il n’était pas sorti du royaume plus de 50 000 huguenots et de 1 230 000 livres. » Un autre, il est vrai que celui-ci n’a pas signé son édifiante nomenclature, donnait, comme un exemple de la modération avec laquelle on avait appliqué les lois contre les huguenots, ce fait touchant que, « de 1745 à 1770, on n’avait pendu que huit pasteurs[2]. »

Qu’on mette en regard de ces sereines appréciations du Clergé, ce récit abrégé des persécutions d’une seule année. En Languedoc, pendant le mois de septembre 1754, les prisons et les galères ne cessent de se remplir. En décembre, deux compagnies de dragons sont mises en garnison chez les habitants de Milhau, en Rouergue ; elles y restent cinq mois, et Milhau est ruiné. Au mois de mars de cette même année, dans le haut Languedoc, une assemblée se réunit à Mazamet ; survient une compagnie de dragons qui fait feu : trois protestants sont blessés, vingt sont arrêtés et condamnés aux galères par l’intendant de Montpellier. Au mois de décembre, un jeune pasteur est pris par les soldats et conduit à Vernoux ; les protestants,

  1. Recueil des édits, déclarations, etc., 14 mai 1724. Cf. : Histoire de la Restauration du Protestantisme au dix-huitième siècle, par Hugues. Paris, Lévy, 1872, I, 257.
  2. Recueil des pièces sur l’état des protestants en France, 1781, p. 23.