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et que ses philosophes sont surtout des physiciens. Les siècles croyants, en effet, ont tenu la physique en très médiocre estime ; « la théologie était l’ennemie née de l’expérience ; aussi fut-elle toujours un obstacle à l’avènement des sciences naturelles qui la rencontrèrent partout dans son chemin[1]. » Voyez, sans remonter plus haut, au siècle précédent, qui fut un siècle de foi, Jansénius interdisant « la recherche des secrets de la nature qui ne nous regardent point », et « où, d’ailleurs, nous ne voyons goutte », ajoutait avec satisfaction M. Singlin, et Port-Royal, enseignant, dans sa Logique, que « les hommes ne sont pas nés pour considérer les divers mouvements de la terre, leur vie étant trop courte pour s’occuper à de si petits objets. » Pour le dix-huitième siècle, au contraire, le plus grand objet auquel puisse appliquer son attention un esprit vraiment philosophe et vraiment libre, c’est cette science naturelle, si mortelle aux erreurs, car « il n’existe, dit Condorcet, ni un système religieux, ni une extravagance surnaturelle qui ne soit fondée sur l’ignorance des lois de la nature ». Enfin, Mercier, l’écho du siècle, après avoir porté aux nues l’Académie des sciences, s’écrie ; « Sans les sciences, l’homme serait au-dessous de la brute[2]. »

Mais cette science de la nature, ce n’est pas seulement parce qu’elle désapprend la foi que le dix-huitième siècle la cultive avec tant d’ardeur ; c’est aussi parce que cette même science lui a appris une foule de choses belles et utiles, et parce qu’il la sait capable de lui en apprendre sans cesse de nouvelles ; car, depuis le seizième siècle, qui l’a vue renaître, elle n’a cessé de marcher de conquête en conquête et, pour s’en convaincre, il suffit désormais d’ouvrir l’Encyclopédie. D’autres ont raconté en détail les pro-

  1. Syst. de la nature, II. 311.
  2. Cette science de la nature, elle devient même, sous la plume de Buffon, l’équivalent du bonheur. Parlant du peuple le plus primitif, qui a trouvé la période luni-solaire de 600 ans, ce qui suppose une suite infinie d’observations et d’études astronomiques, Buffon conclut : « Ce premier peuple a été très heureux, puisqu’il a été très savant. » (Époques de la nature, VII.)