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Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/323

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grès que firent, au dix-huitième siècle, les sciences expérimentales[1] : ce qui explique ces rapides progrès, c’est que, l’ancienne foi étant morte dans bien des âmes, la science fut comme une religion nouvelle qui eut ses enthousiastes et même ses fanatiques : ne disait-on pas du fougueux d’Holbach qu’il était un capucin-athée ? Sans partager la haine, pour ainsi dire personnelle de ce dernier, contre Dieu et ses ministres, beaucoup d’esprits éprouvèrent pour la science cette « espèce d’enthousiasme qui accompagnait les découvertes et qu’avait excité l’usage d’une nouvelle méthode de philosopher[2] ». Quand les Encyclopédistes célèbrent la science et ses victoires sur les vieilles erreurs de l’humanité, on croirait entendre le disciple d’Épicure entonnant les louanges du maître qui a livré bataille à la superstition et qui, à force d’audace et de génie, a vaincu les dieux : « Je frémis, s’écriait Lucrèce, et je ressens une volupté profonde en voyant, par ta puissance, les abîmes de la nature ouverts de toutes parts au grand jour. » Il semblait, de même, au dix-huitième siècle, que la nature ouvrait peu à peu à ses nouveaux adeptes ses profondeurs mystérieuses et celles-ci leur apparaissaient aussi pleines de révélations que les mystères de la foi. « Quel enthousiasme plus noble, s’écrie Buffon, que celui de croire l’homme capable de reconnaître toutes les puissances et de découvrir, par ses travaux, tous les secrets de la nature ! »

Et ailleurs, racontant les premiers âges de l’humanité, il se résume ainsi : « Partout, lorsqu’il s’est conduit avec sagesse, l’homme a suivi les leçons de la nature, profité de ses exemples, employé ses moyens et choisi, dans son immensité, tous les objets qui pouvaient lui servir ou lui plaire. » Guidé par elle, « l’homme s’est d’abord soumis les animaux, puis, par leur secours, il a changé la face de la terre ».

Et voici d’autres leçons que réservait au dix-huitième

  1. Aug. Comte : Philosophie positive, I. Whewel : Hist. of the induct. science. II, III.
  2. Élém. de philosophie, Belin, I, 121.