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Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/332

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II. — la raison


S’il n’y a, pour un esprit philosophique, qu’une seule science, qui est la science de la nature, il n’y a aussi, pour un esprit vraiment libre, qu’une seule méthode : la méthode rationnelle. Sans doute, avant les Encyclopédistes, Descartes avait très nettement déclaré que « toutes les sciences réunies ne sont rien autre chose que l’intelligence humaine, qui est toujours une[1] » et, conséquemment, qu’on ne saurait étudier par des méthodes différentes « toutes les sciences qui sont tellement liées ensemble » ; on sait enfin que pour Descartes cette méthode n’était autre que la méthode rationnelle. Le dix-huitième siècle n’est donc, semble-t-il, que le disciple de Descartes lorsque, dans sa recherche de la vérité, il prend pour guide, non plus la tradition ou l’autorité, mais la raison seule. Seulement, cette leçon du maître, le dix-huitième siècle, et c’est là son originalité, l’a à la fois complétée et corrigée. En effet, d’une part, il y avait certaines choses, les choses de la politique et de la religion, par exemple, que Descartes et le dix-septième siècle tout entier, n’avaient pas osé, pour des motifs que chacun sait, livrer aux investigations, c’est-à-dire exposer aux dangers de la méthode rationnelle : au dix-huitième siècle, rien n’échappera à l’audacieux contrôle de la raison. Et, d’autre part, cette raison n’est jamais, pour Descartes, que la raison des géomètres, c’est-à-dire, la raison qui part de certaines vérités simples, définitions ou axiomes, et en déduit mathématiquement toutes les conséquences logiques, sans se soucier des démentis que la réalité, vue de près, opposerait à ces belles et fragiles constructions à priori. Mais il est une autre raison que celle des mathéma-

  1. Règles pour la direction de l’esprit : Première règle.