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Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/343

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ou guerrier, et tous ceux qui lui obéissent, c’est ce qu’il est permis d’admettre avec maint publiciste contemporain : l’usurpateur lui-même, s’il veut garder la puissance, ne doit-il pas s’appliquer à faire de la force le droit, c’est-à-dire, s’assurer de l’assentiment du plus grand nombre ? « Le consentement, au moins tacite, disait Mirabeau, est nécessaire même au gouvernement né de la violence et de la conquête. Mars est le tyran, mais le droit est le souverain du monde[1]. » Si les Encyclopédistes avaient mieux connu notre histoire, ils auraient pu puiser chez nous, dans ce moyen âge si détesté, le plus bel argument qui soit en faveur de leur théorie : on connaît, en effet, les engagements réciproques et explicites qui liaient le vassal au seigneur et l’on peut dire que la féodalité tout entière repose sur le plus formel des contrats. Plus tard même, et jusque sous la monarchie absolue, ne retrouve-t-on pas comme le vivant souvenir de ces contrats féodaux entre hommes libres dans ce fait significatif, rappelé par Mme de Staël, que « jusqu’au sacre de Louis XVI inclusivement, le consentement des peuples a toujours été rappelé comme la base des droits du souverain au trône » ? C’est en s’appuyant sur ce fait que Mme de Staël écrivait son mot célèbre : « C’est la liberté qui est ancienne et le despotisme qui est moderne[2] ».

À coup sûr, l’on ne demande pas à faire partie d’une société, pas plus que l’on n’a demandé à naître et c’est tout simplement parce qu’on est né ici ou là que l’on est membre de telle société et citoyen de tel État. Mais, sans parler du droit qu’on a toujours d’aller vivre ailleurs, ne peut on pas dire qu’au dix-huitième siècle, comme en tout temps, l’assentiment des citoyens ou, si l’on veut, la servitude volontaire des sujets, était indispensable, on le lui fit bien voir, à la monarchie, même absolue, et en dépit de son droit divin. « Votre puissance royale est invincible,

  1. Lettres de cachet, 67.
  2. Considér. sur la Révol. française.