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Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/348

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Les erreurs du dix-huitième siècle sur l’origine et l’essence de la religion ont été si souvent exposées et réfutées qu’il doit suffire, pour montrer à quel point elles nous sont devenues étrangères, de rappeler que pour Condorcet toutes les religions s’expliquaient le plus simplement du monde par « la crédulité des premières dupes et l’habileté des premiers imposteurs ». Ces erreurs, aujourd’hui manifestes, ont deux principales causes, dont une seule, on va le voir, est imputable aux philosophes ; en premier lieu, en effet, la plupart des idées fausses exprimées sur ce sujet par les Encyclopédistes viennent de ce qu’ils ignoraient, ce qu’on n’a véritablement su que de nos jours, l’histoire des religions. Ce qu’on peut par contre leur reprocher, c’est, nous l’avons assez dit ailleurs, d’avoir cru que la raison expliquait tout, même des choses comme la religion où l’imagination joue le plus grand rôle[1]. Logiciens à outrance, ils réfutaient aisément les récits bibliques rien qu’en les soumettant au principe logique de contradiction. Par exemple, les apôtres disaient que, trois jours après sa mort, ils avaient vu Jésus-Christ sortir vivant de son tombeau ; sur quoi les philosophes raisonnaient ainsi : ou le fait est vrai ou il est faux ; or, il est nécessairement faux puisque, à priori, il est impossible ; donc, les apôtres, qui l’ont affirmé comme vrai, ont menti et voilà ces premiers « imposteurs » qui avaient été, au dire de Condorcet, les premiers fondateurs des religions. Il y avait cependant une troisième solution à imaginer qui était la suivante ; si les apôtres avaient cru voir leur maître ressuscité, le fait en lui-même pouvait rester faux et même impossible, sans que pour cela les apôtres eussent menti. Mais ce qui rendait les Encyclopédistes comme incapables d’imaginer cette troisième hypothèse, c’est qu’ils prêtaient aux apôtres une raison pareille à la leur : or il est bien certain qu’une telle raison était inconciliable avec la foi aux miracles.

  1. Pour leur raison, les superstitions des gens étaient fondées sur l’allégorie ; par exemple, « ce vautour qui dévore Prométhée n’est que l’emblème de la méditation profonde. » (Encyclopédie ; art. Grecs).