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Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/350

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gions, s’il est vrai, comme on l’a dit, que ce qui a dû provoquer les premiers sentiments religieux, ce n’est pas du tout les grands spectacles de la nature qui nous émeuvent ou nous enchantent aujourd’hui, mais c’est bien plutôt tout ce qui paraissait aux premiers hommes pourvoir à leur faim ou veiller à leur sûreté : par exemple, le fleuve avec ses milliers de poissons ou son limon fertile, la clarté libératrice du soleil après les cauchemars et les embûches affolantes de la nuit au milieu des bois. Que telles aient été les origines de la religion c’est, disons-nous, ce que les Encyclopédistes auraient pu très facilement imaginer, et cela rien qu’en appliquant avec bon sens et sans parti pris à la religion les principes mêmes par lesquels ils expliquaient toutes choses. Seulement, et c’est ce qui les empêcha d’être ici impartiaux ou simplement clairvoyants, il ne fallait pas que la « superstition » pût se prévaloir, même au moindre titre, de la raison, ni qu’elle plongeât, par ses racines vénéneuses, dans cette nature, dont toutes les productions étaient parfaites.

Il est vrai, du reste, que les apologistes de la religion, de leur côté, uniquement préoccupés de défendre le christianisme, ne se souciaient nullement de le confondre avec les religions primitives, naturelles peut-être, mais toutes également et radicalement « fausses ». Pour mieux faire éclater la supériorité de la religion chrétienne, ce qu’ils exaltaient en elle, c’était, avant tout, un surnaturel qu’ils estimaient unique ou, tout au moins, uniquement vrai. C’est donc à ce surnaturel, dont on faisait le fond même du christianisme, que les philosophes ramenèrent volontiers, pour en avoir plus facilement raison, toutes les religions et particulièrement celle qu’il fallait « écraser » ; ils n’avaient plus qu’à démontrer combien était impossible, ou, mieux encore, ridicule, la croyance au surnaturel chrétien.

Ce surnaturel se présentait à eux sous ses deux formes ordinaires ; la révélation et le miracle. Les philosophes, on l’a vu, se contentèrent de nier aussi bien le miracle que la révélation : nous nous efforçons aujourd’hui de comprendre,