Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/355

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n’était naturelle qu’à ceux qui savaient par cœur leur catéchisme, et qui ensuite n’était pas même une religion, puisque le cœur n’y avait aucune part. Saluons donc en passant, les déistes ne faisaient guère plus, « le divin horloger », et allons droit aux athées qui étaient seuls conséquents dans le parti encyclopédique ; voyons d’abord ce qu’ils pensent de cette éternelle alliance de la morale et de la religion ; nous leur demanderons ensuite s’ils espèrent fonder une morale en dehors de toute religion et quelle morale.

En premier lieu, ils ont très bien vu le danger qu’il y avait à faire dépendre la morale de la religion et ils l’ont signalé, comme il fallait s’y attendre, avec insistance : « c’est Dieu qui crée le juste et l’injuste : mais le Dieu des Juifs est un tyran capricieux. Fonder la morale sur un Dieu semblable, c’est lui donner une base incertaine. » Encore si Dieu nous dictait lui-même ses commandements : mais « obéir à Dieu n’est jamais qu’obéir aux prêtres. Dieu ne parle plus lui-même ; c’est l’Église qui parle pour lui[1]. » Or, qui sont les prêtres de cette Église ? des hommes sujets à se tromper ; et l’on citait les bévues d’un Caveyrac ou d’un Pompignan ; des esprits divisés entre eux : et l’on rappelait les mesquines querelles des Jésuites et des Jansénistes ; pis que cela, des libertins : il n’y en avait que trop et de trop connus dans le clergé d’alors ; et enfin, et malgré leurs faiblesses ou leur indignité, des fanatiques et des bourreaux. Et Voltaire de s’écrier avec une exagération voulue à coup sûr, mais en même temps avec une légitime et sincère indignation : « Le dogme a fait mourir dans les tourments dix millions de chrétiens ; la morale n’eût pas produit une égratignure. »

La morale ayant été identifiée avec la religion, et la religion s’étant incarnée dans le clergé, il en résultait que toutes les fautes commises par le clergé retombaient sur

  1. D’Holbach : Le Christianisme dévoilé. « La moralité peut être sans la religion et la religion peut être sans la moralité ». Encyclop. : art. Irréligieux.