Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/359

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librement ce que valait cette morale sans Dieu et sans immortalité.

L’écrivain qui a osé le premier affirmer, au dix-huitième siècle, que la raison pouvait, à elle seule, en dehors de tout principe religieux, fonder une morale d’honnêtes gens, c’est l’auteur du Christianisme dévoilé, du Système de la nature et d’une foule d’autres ouvrages anonymes : c’est le baron d’Holbach. À coup sûr les perpétuelles déclamations de d’Holbach contre Dieu et les « déicoles » nous paraissent aujourd’hui très ridicules et nous trouvons, avec Grimm, que tout ce qui sort du four de Michel Rey (c’était l’imprimeur de d’Holbach), ne vaut pas la manne de Ferney. En revanche, si d’Holbach est moins divertissant que Voltaire, il est aussi plus conséquent que lui et plus vraiment philosophe. Un des plus acharnés adversaires de l’Encyclopédie, Bergier, après avoir anathématisé la doctrine de d’Holbach, a rendu justice à sa loyauté et à la fermeté de sa pensée : « Le déisme n’est pas un poste où l’on puisse tenir longtemps et l’auteur du Christianisme dévoilé, plus sincère et plus conséquent que les autres, professe hautement l’irréligion absolue. C’est ici le dernier pas de la philosophie. » S’il est vrai, en effet, que les principes sans cesse invoqués par les philosophes, la nature et la raison, et celle-ci réglant celle-là, suffisent à tout expliquer, si l’on n’admet en un mot que ce qui est naturel et rationnel, n’a-t-on pas le droit de penser que Dieu est désormais une hypothèse inutile et, si on le pense, n’a-t-on pas le devoir de le dire ? C’était l’opinion de d’Holbach : « Si la vérité est utile aux hommes, c’est une injustice de les en priver, et si la vérité doit être admise, il faut admettre aussi ses conséquences, qui sont également des vérités. » Or, une des conséquences les moins douteuses de la philosophie du dix-huitième siècle, conséquence que d’Holbach a eu le mérite de déduire avec lucidité et de proclamer sans ambages, c’est qu’on peut fort bien être honnête homme et ne pas croire en Dieu.

Qu’une telle vérité nous paraisse si simple aujourd’hui et que pourtant d’Holbach ait été le premier, non sans