Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/379

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

piscence des yeux » que l’Église appelait dédaigneusement libido sciendi et qui n’est autre que le noble désir de savoir toujours plus afin de devenir, non pas, ce qui n’est qu’à la portée des saints, plus qu’homme, mais « plus homme », comme le disait Rivarol. Et enfin cette humanité elle-même n’est pas seulement, suivant le mot de Voltaire, le premier caractère d’un être pensant ; elle est encore la plus haute idée à laquelle cet être puisse atteindre, puisque Dieu ne peut jamais être conçu qu’à l’image de l’homme. Nous n’ignorons pas, d’ailleurs, ou plutôt nous ne voulons plus ignorer, comme faisait Voltaire, tout ce que les religions ont su inventer pour élever et ennoblir l’humanité : nous rejetons simplement, de ces religions, ce qui fait violence à notre nature et répugne à notre raison.

Cette raison, les philosophes savaient, aussi bien que nous, que ce n’est pas elle qui gouverne le monde ; mais ils s’efforçaient, suivant le mot que répète sans cesse Voltaire, de faire régner « un peu plus de raison » parmi les hommes, et il faut leur savoir gré de leurs efforts, si l’on pense que l’intérêt et le but de l’humanité sont bien que la raison règne de plus en plus ici-bas.

À coup sûr leur raison leur a fait imaginer bien des chimères dont le temps a fait justice ; pourtant, si nous nous plaçons sur le terrain même où l’on prétend qu’ils n’ont laissé que des ruines, je veux dire le terrain politique, leurs théories particulières ont beau avoir été pour la plupart remplacées par d’autres et de meilleures : le principe même qui les avait inspirées est resté debout ; car l’idée, proclamée par eux, que la raison doit légitimer tout gouvernement et contrôler tout ce qui s’y fait, cette idée-là a fait le tour du monde. Elle est en train, on le sait, de transformer la terre classique des traditions gouvernementales, l’Angleterre, et l’on a pu dire d’une telle idée qu’elle était l’âme même de l’histoire politique du dix-neuvième siècle.

Mais, pour ne parler que de notre pays, le gouver-