Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/44

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

manité, que l’Encyclopédie va opposer à la doctrine de l’Église, à sa toute-puissance et à son intolérance. Si aux noms que nous avons déjà cités, on ajoute celui de Fontenelle qui prépare discrètement la philosophie irréligieuse du dix-huitième siècle et enseigne à celui-ci l’art de faire comprendre à tous, même à des marquises, les vérités des sciences les plus abstraites, on aura, croyons-nous, la liste à peu près complète des fourriers de l’armée encyclopédique[1]. Cependant, à en croire la plupart des historiens et les Encyclopédistes eux-mêmes, c’est aux Déistes anglais, c’est à la libre Angleterre, que l’Encyclopédie devrait la plupart de ses idées révolutionnaires et ses meilleures armes de combat. Il importe donc, dans un dernier aperçu, de marquer nettement la place du déisme anglais dans l’histoire de la libre pensée avant l’apparition de l’Encyclopédie.

V


Les libertins n’étaient en somme, nous l’avons montré, que de timides sceptiques : or, le doute n’est pas fait pour le grand nombre, pour ceux que Montaigne appelle « les esprits simples » ; il n’est un oreiller commode que pour les têtes très bien faites, pour l’élite de ceux qu’il appelle encore de grands esprits, des natures fortes et claires. Enfin la petite armée des libertins était d’autant moins redoutable à l’Église qu’elle cachait soigneusement son drapeau. À la fin de la Régence, le catholicisme aurait couru,

  1. Consulter, sur Fontenelle précurseur des philosophes : La Harpe, Corresp. litt. II, 263 ; Faguet (Dix-huitième siècle) ; J. Denis (le Dix-huitième siècle dans le dix-septième, Caen) ; Brunetière (Manuel de l’Histoire de la littérature française, 229). M. Brunetière marque très justement les deux idées essentielles que Fontenelle lègue au siècle de l’Encyclopédie : La solidarité des sciences et la constance des lois de la nature.