Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/45

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

semble-t-il, de bien autres dangers, s’il avait eu en face de lui, non plus un scepticisme fuyant et comme honteux de lui-même, mais, à défaut du protestantisme abattu, une religion rivale, capable d’opposer des affirmations précises à ses dogmes révélés et de dresser autel contre autel. Le Déisme parut être un instant pour l’Église ce dangereux ennemi.

C’est, pour rappeler brièvement ses origines, dans la première moitié du dix-septième siècle qu’apparut en Angleterre cette religion nouvelle, dont Herbert de Cherbury fut le prophète. Dans son livre, de Veritate, paru en 1624, il donne au déisme son principe : la raison (recta communisque ratio) et son credo : les vérités que la raison seule enseigne aux hommes, les « notions communes » sont le fond immuable de toute religion ; c’est à savoir, l’existence d’un Dieu, la nécessité d’un culte sans doute, mais la vertu et la piété considérées comme l’essentiel de ce culte ; le repentir, les peines et récompenses dans cette vie et dans la vie future : telles sont les cinq « colonnes de la religion primitive » et universelle. Tout le reste, dogmes particuliers ou cérémonies bizarres, n’est que « l’invention des prêtres » ; c’est dans le livre de la nature que se révèle le Dieu véritable ; c’est aussi au milieu de la nature qu’il faut l’adorer, non dans les temples, où on l’emprisonne et le rapetisse. « Élargissez Dieu », s’écriera, et dans la même pensée, Diderot. Le spectacle de la nature n’est-il pas la meilleure preuve de l’existence de Dieu ? Cette montre, dit aux athées, et bien avant Voltaire, Herbert de Cherbury, elle marche pendant vingt-quatre heures et vous proclamez aussitôt qu’elle a été faite par un artiste, et vous croyez que cette machine de l’univers, qui marche depuis des siècles, ne suppose pas le plus habile et le plus puissant des horlogers ?

Le monde n’avait jamais vu une religion si simple et si claire, si hospitalière aussi, car elle accueillait toutes les vérités vraiment essentielles enseignées par toutes les religions présentes et passées ! Qui donc n’eût été déiste