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Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/47

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écrit en 1588 (et manuscrit, il est vrai : mais des copies très nombreuses en circulèrent au dix-septième siècle), est la suivante : « N’est-il pas avantageux d’embrasser la plus simple, la plus ancienne et la plus vraie des religions, la religion naturelle (naturæ religionem) » ? Quant au nom de déiste, nous le rencontrons pour la première fois, en France encore, et bien avant le livre d’Herbert, dans l’Instruction chrétienne, de Viret, écrite en 1559 : « Ceux qui se qualifient du nouveau nom de déistes reconnaissent un Dieu, mais ne rendent aucun honneur à Jésus-Christ. Ils traitent de fables la doctrine des Évangélistes ; quelques-uns prétendent croire à l’immortalité de l’âme, d’autres sont de la secte d’Épicure. » Nous ne sommes pas loin, on le voit (si même nous ne la dépassons sur certains points), de la religion naturelle, qu’Herbert aura seulement le mérite de formuler plus expressément. Mais voyons maintenant, en un rapide résumé, quels furent en Angleterre les principaux représentants, si souvent cités au dix-huitième siècle, de cette religion nouvelle enseignée par Herbert : nous préciserons ensuite quel parti en ont tiré les Encyclopédistes[1].

C’est d’abord le fondateur lui-même, Herbert de Cherbury, esprit ingénieux et chimérique ; Blount, le traducteur violent et bizarre de la Vie d’Apollonius de Tyane, par Philostrate (1680) ; Toland, le perfide auteur du Christianisme sans mystère (1696) ; Collins, le disciple infidèle du pieux Locke, le premier qui se proclame hautement « libre-penseur » (A discourse of Free-thinking, écrit en 1713) ; Shaftesbury, cet aimable humoriste, que Diderot traduira très librement dans son Essai sur le Mérite ; Woolston, le plus fougueux adversaire des miracles et « le grand apôtre du parti », dont l’ouvrage, le Christianisme aussi ancien que la Création, 1730, fut « la Bible des Déistes », nous dit

  1. Dans un chapitre de notre Diderot, nous avons étudié en détail et tenté d’apprécier l’influence proprement littéraire des auteurs anglais sur nos écrivains du dix-huitième siècle. Nous avons déjà montré ici même les emprunts que nos « penseurs » français ont faits à la philosophie anglaise proprement dite.