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Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/72

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Voltaire appelait les « philosophes tondus » : ils eurent, eux, pour spécialité, d’acclimater la théologie parmi les mauvais propos d’un tas de libertins qui, comme cet affreux Du Marsais, « avaient pris Dieu en grippe ». Rien ne prouve que quelques-uns, tout au moins, de ces saints encyclopédistes n’aient collaboré en toute simplicité de cœur à l’œuvre du démon : car, outre que le démon de l’Encyclopédie savait très bien faire patte de velours aux douteurs de l’Église, ceux-ci ne donnèrent presque jamais au dictionnaire que des articles irréprochables. Par exemple, le bon abbé Yvon débitait sur Dieu et l’âme des choses si édifiantes que Voltaire en avait « le cœur serré » : d’autres paraissent avoir été plus politiques : ainsi, l’abbé Mallet, professeur de théologie au collège de Navarre, avait l’habitude de dire : « Ne nous brouillons point avec les philosophes », et, en conséquence, il travaillait avec eux mais sans se brouiller davantage avec l’Église, dont il obtenait un bon canonicat à Verdun dans le même temps qu’il collaborait à l’Encyclopédie ; l’abbé Morellet enfin, (que nous retrouverons ailleurs), pour avoir su traiter la théologie « historiquement, non dogmatiquement », faisait accepter tous ses articles du naïf abbé Tamponnet.

Tels sont les fournisseurs en titre de l’Encyclopédie. En dehors de cette armée de « manœuvres », il y eut des volontaires, Encyclopédistes par occasion, mais dont le concours, pour n’être pas régulier, n’en fut pas moins une très bonne aubaine pour l’Encyclopédie à laquelle ils apportèrent le prestige de leur renommée : nous voulons parler de Montesquieu, Buffon, Duclos et Turgot. Leur collaboration, même éphémère, permit aux Encyclopédistes de se vanter à bon droit que leur œuvre « ne comptait, parmi ses ennemis, aucun des écrivains célèbres qui honoraient la nation ». Passons rapidement en revue ces précieuses recrues, dont on peut dire que rien ne manquait à leur gloire avant leur collaboration au grand œuvre, mais qu’ils auraient, en restant à l’écart, manqué à la gloire de l’Encyclopédie.